Les Japonais déplorent que Sarko n'aime ni Tokyo, ni Kyoto ni le sumo...
... et qu'en plus il soit un peu trop pro-chinois!
"Au fait, c'est quand les résultat de l'élection présidentielle en France?"
"Eh bien c'est passé mon garçon! "
Eh oui, que voulez-vous, ce jeune Japonais est un peu largué. Vu du Japon, la France c'est loin, et les échéances électorales hexagonales sont le cadet des soucis des citoyens nippons lambda, déjà que les leurs ne les passionnent pas.
Il n'empêche dans les milieux politiques, diplomatiques, économiques et médiatiques japonais, le départ de Chirac (plus parfois que l'arrivée de Sarkozy) est un sujet d'importance.
Tout d'abord pour les sumotoris. Pensez, ces lutteurs de gros gabarits aussi grassouillets que grâcieux vont être privés de la "Coupe Jacques Chirac", un trophée remis aux champions au nom de l'ex-président français depuis 2000.
Comme Sarko n'a pas manifesté le moindre égard pour ce sport traditionnel, au contraire, puisqu'il l'a qualifié de "combat d'obèses au chignon gominé", on n'est pas certains que la fédération nippone accepte une hypothétique "Coupe Sarkozy" si d'aventure cette malhonnête proposition lui était faite. Passons.
Et puis, que voulez-vous, le "grand Jacques" plaisait aux Japonaises, le "petit Nicolas", lui, n'a d'yeux et de baisers que pour Cécilia, et il le montre sans cesse aux caméras, alors....
Plus sérieusement, regardons ce que les médias nippons ont rapporté de cette élection.
Se gardant de jugements hâtifs, ils sont néanmoins partagés sur ce qu'il faut attendre de l'arrivée du quincagénaire à l'Elysée. Dans son ensemble, la presse japonaise craint un risque de relâchement des liens entre la France et le Japon après histoire d'amour diplomatique et culturelle entre Chirac et l'Archipel.
"A l'inverse du nippophile Chirac, M. Sarkozy a fort peu de liens avec le Japon", a résumé l'influent quotidien économique Nikkei.
Qu'en de termes polis ces choses là son dites.
En effet, même si ledit Sarkozy a affirmé aux diplomates nippons avoir "une affinité" avec le Japon (personne ne sait laquelle), le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il a jusqu'à présent tout fait pour laisser penser le contraire.
N'a-t-il pas lâché, outre ses propos désobligeants sur le sumo, que "Tokyo est étouffant par rapport à Hongkong" (sic!) et qu'il ne comprenait pas quels étaient les attraits de Kyoto (et vlan!).
Bon d'accord, tout cela appartenait à la stratégie de la "rupture" face à Chirac qui a plus que des affinités avec le Japon, chérit Kyoto et aime respirer l'air (pur) de Tokyo.
"Il semble qu'il ait moins d'intérêt pour le Japon" que son prédécesseur, relève également, à droite le quotidien Sankei. C'est clair.
"Nous aimerions qu'il s'intéresse davantage au Japon et approfondisse sa connaissance de notre pays. Nous suggérons qu'il vienne et assiste à un combat de sumo le plus vite possible", ajoute le journal, rappelant au passage que M. Sarkozy avait aussi jugé que "ce n'était pas vraiment un sport d'intellectuel".
Mais le même quotidien s'empresse de signaler à ses lecteurs prompts à réduire Sarko à un anti-nippon primaire qu'il lui a fallu bien du courage à M. Sarkozy "pour surmonter son environnement familial pendant son enfance, pour supporter les aléas de sa vie privée (cette Cécilia décidément!), pour changer le cap de la politique sociale... et même, last but not least, pour trahir M. Chirac lors de l'élection présidentielle de 1995!!!!
Le gouvernement conservateur japonais a pour sa part salué la victoire de Nicolas Sarkozy et a promis d'oeuvrer à la construction d'une "ère nouvelle" dans les relations entre Tokyo et Paris.
"J'ai été très impressionné par la détermination que vous avez affichée pendant la campagne électorale à mettre en oeuvre de courageuses réformes", a dit le Premier ministre japonais Shinzo Abe au président fraîchement élu.
Mais passées ces bonnes paroles, il va falloir bosser, a rappelé la presse, en pesant les éléments qui favorisent ou au contraire rendent difficiles le dialogue entre les deux hommes.
"Ils sont, chacun dans leur pays, les premiers leaders nés après-guerre, ils ont une forte couleur conservatrice, ils jouissent d'une cote de popularité élevée, ils sont pro-américains, et ils plaident pour une rupture avec le passé", résume par exemple le Mainichi.
"Mais ils ne sont pas issus du même milieu", ajoute ce journal de centre-gauche: "M. Sarkozy est d'origine immigrée et a connu des difficultés familiales, il n'a pas fait l'Ena, tandis que M. Abe est au contraire un homme du sérail descendant d'une famille d'hommes politiques (grand-père Kishi, ex-premier ministre, et père, Abe, ex-ministre ).
"L'équipe du Premier ministre Shinzo Abe devra approfondir le dialogue avec le nouveau gouvernement français et contruire des relations de confiance", préconise la bible des férus d'économie, le Nikkei.
M. Abe espère en tout cas que l'élection de Sarkozy va permettre une amélioration des relations franco-américaines et que cela aidera un peu le Japon à sortir de son isolement ultra-pro-américain.
Reste que, comme le déplore un haut-fonctionnaire du ministère japonais des Affaires étrangères, "il y a peu de liens entre M. Sarkozy et le Japon, si bien que le devenir des relations franco-japonaises reste incertain ". Va effectivement falloir bosser!
D'autant que, comme le craint le Mainichi, "l'attention de M. Sarkozy pourrait bien se tourner vers la Chine". Bien vu.
Car il y a un marché pour les entreprises françaises en Chine, mais au Japon, c'est moins sûr, beaucoup moins sûr, hormis pour les champions de la mode et de la bonne bouffe, encore leur faut-il atteindre de hauts niveaux de qualité. Demandez par exemple à EADS, dont la filiale Airbus ne vend pas un avion aux grandes compagnies nippones!
Le Nikkei observe que la politique de réforme préconisée par M. Sarkozy "semble consister à passer d'une priorité pour le social vers une politique de concurrence à l'anglo-saxonne fondée sur le mécanisme du marché".
Mais en fait les choses sont plus complexes, décrypte le quotidien. Car la pensée de M. Sarkozy ne se limite pas à un libéralisme pur et simple, selon lui. Pourquoi? Eh bien parce que le nouveau président a déclaré qu'il protégera les industries importantes comme EADS ou Renault, et que M. Sarkozy n'hésitera pas à sauver les entreprises françaises qui feraient face à une crise menaçant la situation de l'emploi, prévient le quotidien.
"Le libéralisme prôné par M. Sarkozy est protectionniste envers les zones extra-européennes telles que l'Asie ou l'Amérique, et si le président plaide en faveur d'une cohésion de l'Europe, c'est dans l'idée d'accorder la priorité aux intérêts nationaux, en faisant de l'Union Européenne une digue qui protège la France de la mondialisation", explique aussi le Maincichi.
Toutefois, selon le quotidien de droite Yomiuri, les milieux des affaires japonais ainsi que les entreprises nippones implantées en France se félicitent de l'élection de M. Sarkozy.
Mitarai Fujio, patron de l'entreprise des technologies de l'image Canon et président de la plus puissante organisation patronale, le Keidanren, a affirmé que "les Français ont choisi de renouer avec la vitalité et la compétitivité via la croissance économique".
Quant au chef d'une autre institution de patrons, le Dôyûkai, il s'est "senti rassuré du fait que les Français ont choisi un homme qui accorde une prépondérance au libéralisme économique ".
Toutefois, la crainte que la Chine soit davantage en tête des priorités du nouveau locataire de l'Elysée est renforcée par le soutien de la France à la levée de l'embargo européen sur les ventes d'armes à la Chine.
"Si cet embargo était levé, l'environnement sécuritaire du Japon s'en trouverait affecté", souligne le quotidien à grand tirage Yomiuri (ultra-conservateur).
"Et si ça arrivait, le Japon ne pourrait plus entretenir les mêmes relations amicales" avec la France, avertit-il.
A noter pour conclure que la presse écrite a rapporté, souvent avec photos bien marquantes à l'appui, les manifestations de protestation contre l'élection de M. Sarkozy qui ont eu lieu dans la capitale (Place de la Bastille) et d'autres villes (Toulouse, Lyon, Lille, Marseille, Bordeaux).
La télé ne s'en est pas privée non plus, refaisant par le menu l'historique des précédentes nuits d'émeutes (choses invisibles au Japon depuis plus de trois décennies). Elles se sont notamment étendues sur celles de novembre 2005, en prenant un malin plaisir à traduire en langue nippone les expressions "on va vous débarasser de cette racaille" et "nettoyer au Karcher".
"Il est fort possible qu'à l'avenir, des manifestations, des grèves et des émeutes paralysent la société et que les réformes tournent court", conclut le Tokyo Shimbun.
Eh, ben, ça promet. Raison de plus pour rester à Tokyo.
Commentaires
Excellente revue de presse nipponne
C'est très intéressant la façon dont sont traitées les élections françaises au Japon. J'étais à Tokyo l'année dernière et je me souviens à quel point j'avais été marqué par l'omniprésence de la politique française à la télévision. J'avais pu y suivre les débats à l'investiture socialiste doublé en japonais avec Ruayaru-san, Fabiusu-san et Suturosukan-san ^^, alors qu'ici, nos médias se fichent quand même pas mal des élections étrangères.
Je serai exessivement intéressé par la façon dont on dit "nettoyer au Karcher" en japonais.
Goldy - 22.05.07 à 11:21 - # - Répondre -
Merci de cette petite revue de presse de l'election presidentielle vue du Japon. Effectivement, certains aspects et declarations de Sarkozy font peur quant a l'avenir des relations franco-japonaises.
(desole pour les accents)
anonyme - 22.05.07 à 11:31 - # - Répondre -
Merci
pour cette excellente revue de presse nipponne qui nous permet d'avoir une partie du point de vue asiatique de cette election.
mottodoki - 22.05.07 à 20:45 - # - Répondre -
Felicitations pour vos articles , je désesperais un peu de trouver un jour un site comme le votre sur l'actualité nippone mais francisée .Je viens de découvrir votre site après votre passage aux informations .
Bonne continuation , je tacherai de faire decouvrir votre blog à d'autres personnes .
fugu - 29.05.07 à 21:18 - # - Répondre -
Pour en revenir au bigboss de CANON , il brosse Sarkozy dans le sens du poil car il faut dire qu'ils ont fait l'acquisition d'un des meilleurs fabricants d'enceintes hi-fi du nom de "CABASSE" .
fugu - 29.05.07 à 21:29 - # - Répondre -
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Multifrancophone - Index : " News: Aujourd'hui sur Nipponica Blogula : Pourquoi les femmes ont-elles deux seins ?Le nouveau Président de la République, tel que perçu au Japon : sur le blog d'une pigiste à Tokyo"
anonyme - 30.05.07 à 21:56 - # - Répondre -
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Multifrancophone - Index : " News: Aujourd'hui sur Nipponica Blogula : Vélos volés, volés vélosLe nouveau Président de la République, tel que perçu au Japon : sur le blog d'une pigiste à Tokyo"
anonyme - 31.05.07 à 17:52 - # - Répondre -
^
Eh bien ça c'est ce que l'on peut appeler un article ^^
chinuy - 04.06.07 à 18:31 - # - Répondre -
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Les Japonais déplorent que Sarko n'aime ni Tokyo, ni Kyoto ni le sumo... : "Les Japonais déplorent que Sarko n'aime ni le sumo, ni Kyoto, ni Tokyo...Politique, publié le lundi 21 mai 2007"
anonyme - 17.01.09 à 11:19 - # - Répondre -
Deux ans plus tard...
Presque deux ans jour pour jour après cet article du 22 mai 2007, Sarkozy craint un 22 mai 2009...
Les japonais, qui, dans leur langue, ne connaissent pas le futur, n'en sont pas moins visionnaires, puisque débordements sociaux français ils avaient prévu!
Le Petit Page, qui reviendra en Pays Zen dans quelques mois...pour s'alléger et s'éveiller l'esprit...
Petit Page - 23.03.09 à 04:35 - # - Répondre -
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Nicolas Sarkozy vu par les Japonais « Vupar : "Lire la suite Ici"
anonyme - 16.03.10 à 01:00 - # - Répondre -
J'ai bien aimé cette revue de presse nippone. Il faudrait qu'il y ait la meme avec le président qu'on à aujourd'hui pour voir ce qui se dirait :-)
comparatif banque - 18.04.14 à 19:33 - # - Répondre -