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par Karyn Nishimura-Poupée, correspondante AFP Japon, avec le mangaka japonais J.P.NISHI

Les statistiques le disent de plus en plus...

... l'économie nippone va de mieux en mieux

Publié par K. Poupée le Mardi 4 Juillet 2006, 19:58 dans la rubrique économie - Lu 5356 fois - Version imprimable




On vous racontait début juin qu'à en croire les innombrables statistiques qui tombent chaque mois au Japon, l'économie nippone allait mieux qu'on ne le pensait mais que le grand-public ne s'en rendait pas encore vraiment compte.


Les choses changent progressivement, à mesure que les indicateurs positivement orientés s'enchaînent. Et comme les bonnes nouvelles nourrissent la confiance qui elle-même alimente l'optimisme lequel renforce l'appétit de consommer, le cycle vertueux se met en branle. Démonstration.


Les statistiques macro-économiques publiées vendredi 30 juin et les études sorties lundi 3 juillet 2006 pour les mois de mai et juin ont consolidé le diagnostic optimiste des spécialistes.


En situation de quasi-plein emploi, le pays du Soleil-Levant est bel est bien en train de dire adieu à la , cycle pervers de baisse continue des prix qui incitait les clients à repousser les achats dans l'espoir de profiter plus tard (mais quand?) de prix meilleurs.

Cette phase déflationniste débilitante qui a plombé l'économie nippone pendant près de huit ans tire à sa fin: depuis octobre 2005, les prix remontent, lentement, mais sûrement, ce qui est une bonne chose tant que l'inflation n'est ni trop brutale ni trop forte.

Par ailleurs, le chômage baisse, ce qui rassure les travailleurs et favorise dans la foulée l'envie de consommer, sans attendre.

Le ratio de personnes nippones sans emploi s'est établi en mai à seulement 4,0% de la population active, perdant 0,1 point en un mois, pour revenir à son plus bas niveau depuis huit ans. C'est plus de deux fois moins qu'en France en pourcentage.

Fin mai, le nombre d'actifs nippons à la recherche d'un poste se chiffrait à 2,77 millions. Ce sont pas moins de 300.000 personnes qui sont sorties des rangs des chômeurs en un an, selon le gouvernement.


Si les dépenses de consommation des ménages japonais ont certes connu une contraction de 1,8% en mai sur un an, elles ont a contrario progressé de 1,3% par rapport à avril.

La demande intérieure est ainsi devenue, devant les exportations, la locomotive de la croissance, le Japon étant de facto moins dépendant du versatile environnement économique étranger. Rappelons qu'au premier trimestre, le produit intérieur brut (PIB) japonais a évolué au rythme annualisé de 3,1%.

Par ailleurs, certains secteurs faisant face à une pénurie de main-d'oeuvre qualifiée, les entreprises sont plus enclines à proposer de meilleurs salaires pour conserver leurs ouailles.

La qualité du personnel est d'autant plus essentielle pour les industriels que la population nippone est victime d'un accéléré et que les jeunes recrues sont devenues une denrée rare. Il faut les voir, les grands groupes se disputer les nouveaux diplômés et draguer les étudiants dans les universités renommées ou les salons spécialisés. Des offensives de charme, mes amis, que l'on a peine à imaginer en France.

Dans un tel contexte, les travailleurs sont de fait en position de force.

"Le climat du travail est particulièrement impressionnant. Le nombre de nouveaux emplois offerts a bondi de 8,4% en mai sur un an, ce qui signifie qu'il devient de plus en plus facile de trouver un poste", jubile un économiste de l'institut de recherches Nomura.


La publication le 3 juillet de l'enquête trimestrielle de la Banque du Japon () montre en outre une amélioration de la confiance des patrons dans l'évolution des affaires, ainsi qu'une plus forte propension des grandes entreprises à investir.

Toutefois, l'environnement du travail, qui incite les salariés à se montrer plus revendicatifs et les employeurs plus généreux, ainsi que la tendance de légère augmentation des prix, devraient logiquement conduire prochainement à un léger resserrement monétaire pour éviter une spirale inflationniste.

Si vous avez fait un peu d'études sur la conduite des politiques monétaires ou si vous lisez régulièrement les pages économiques d'un quotidien, vous comprendrez de quelle logique on parle, sinon, sachez en gros que ça veut dire qu'il faut rendre le loyer de l'argent plus cher pour éviter que la hausse des prix ne pousse les salariés à exiger trop ardemment des augmentations de salaires pour maintenir leur pouvoir d'achats, lesquelles conduiraient à une volonté des entreprises d'hausser davantage les prix pour entretenir leurs marges, etc, etc., au risque que la machine ne s'emballe un peu trop. Car s'il est bon pour l'économie que la appartienne au passé, il ne faut pas que la vitesse de progression des prix soit trop prononcée, pour éviter l'accident.

Il appartient dès lors à la Banque centrale japonaise, de décider du moment opportun pour procéder à une appréciation "lente et progressive" des taux d'intérêts, afin de rendre le crédit moins facile, donc moins dangereux.
Toutefois, à l'instar du gouvernement nippon, certains économistes considèrent que la hausse modérée des prix observée depuis octobre 2005 n'est pas suffisante pour justifier un relèvement immédiat des taux, car selon ces derniers, c'est un facteur externe, en l'occurence la flambée du prix du pétrole et des matières premières qui est la principale cause la progression des étiquettes en rayon, et non une augmentation forte de la demande par rapport à l'offre.

La officiellement indépendante est d'autant plus invitée à agir avec circonspection que son gouverneur, Toshihiko Fukui, se bat actuellement contre une déluge tous azimuts d'appels à la démission après qu'il a révélé avoir investi, avant d'être nommé gouverneur, 10 millions de yens (70.000 euros) dans un fonds dont le gérant, un "golden boy" du nom de Murakami, est accusé de délit d'initié.



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