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par Karyn Nishimura-Poupée, correspondante AFP Japon, avec le mangaka japonais J.P.NISHI

Au Japon, pays des "konbini"...

.... on fait ses courses à toute heure sans soucis

Publié par K. Poupée le Dimanche 9 Juillet 2006, 18:31 dans la rubrique Consommation - Lu 8112 fois - Version imprimable



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Puisque sieur Kim Jong-Il, le provocateur despote nord-Coréen, a eu la délicatesse de nous foutre la paix en ce week-end des 8 et 9 juillet 2006 (c'est-à-dire de reporter à plus tard ses nouveaux essais annoncés de missiles balistiques en direction du Japon), nous allons profiter de ce moment de répit pour vous parler davantage des moeurs nippones en matière de consommation effrénée non stop.



Qui n'a jamais mis les pieds dans la royaume du consumérisme débridé qu'est le Japon ne peut en effet imaginer l'importance qu'y ont pris les dizaines de milliers de magasins ouverts 24 heures sur 24, notamment les supérettes baptisées "konbini".


Alors que la France n'en finit pas de s'écharper sur la pertinence économique de l'ouverture des boutiques le dimanche (on ne parle même pas de la nuit), au Japon, le non-stop est de plus en plus répandu, et pas seulement pour lesdits "konbini".



Arrivés sur l'archipel dans la fin des années 1970 sous la bannière Seven Eleven, en pleine phase de consommation à tout crin, les "konbini", contraction japonisée du terme américain "convenience store", ( supérettes ouvertes 24 heures sur 24) étaient fin juin 2006 au nombre de 40.169 très exactement, selon l'Association japonaise des franchisés (JFA).

Oui, vous avez bien lu 40.169.

C'est qu'il y en a à tous les coins de rues des grandes villes, et au moins une dans chaque village, y compris les plus reculés.


On trouve de tout dans les "konbini": alimentation, produits de soins, papéterie et accessoires divers, magazines, cigarettes, alcool... On peut y expédier des fax, y régler ses factures, y poster son courrier, y faire des photocopies, y réserver des places de concert ou de musée....



Les principales chaînes de "konbini" que sont par ordre d'importance Seven Eleven, Lawson, Family Mart, AM/PM, Circle K/Sunkus se livrent une concurrence sans merci pour rafler un maximum de clients.
Leurs réseaux de magasins évoluent sans cesse, en fonction des changements intervenant dans leurs zones de chalandises.

Les carrefours dans les zones commerciales ou de bureaux sont des lieux stratégiques. Il y a ainsi à Tokyo au moins un carrefour (Kyobashi) où chaque coin est occupé par un AM/PM afin d'empêcher un rival de s'y implanter.

Seven Eleven compte à lui seul quelques 1.462 magasins à Tokyo, et Family Mart 1.009.

Parce que les rues ne suffissent, les "konbini" prennent aussi place dans les gratte-ciels de bureaux, dans les halls d'hôtel et même, nouvelle tendance, dans les hôpitaux.




Pas moins de 950 millions d'encaissements sont réalisé en moyenne chaque mois dans l'ensemble des "konbini". Une simple division nous permet d'en déduire que chaque Nippon se rend grosso-modo 7,5 fois dans un "konbini" chaque mois, soit près de deux fois par semaine donc.

Le chiffre d'affaires de l'ensemble des "konbini" s'élève en gros à 602 milliards de yens par mois, soit 4,1 milliards d'euros. Ce qui représente à la louche quelque 15 millions de yens en moyenne par magasin, soit 3.750 euros par jour par boutique.

Bon on arrête là pour les chiffres, non sans une petite conclusion qui s'impose tout de même:

le business des "konbini" ça paye.



A condition toutefois de se donner du mal, car les rivaux sont féroces.

Outre les emplacements, les "konbini" se battent ainsi sur les références en rayon, chaque enseigne s'ingéniant à développer des produits exclusifs, plus compétitifs, en s'associant par exemple à des marques jouissant d'un certain prestige (comme Muji, Shiseido...), ou en concevant des nouveautés sous licenses en utilisant les personnages de manga, entre autres.




Toujours à l'affût des nouvelles tendances de consommation, les "konbini" ne cessent d'innover pour s'en saisir. Ainsi mettent-ils actuellement particulièrement l'accent sur les produits diététiques, sachant que les minettes de 20/30 ans constituent une clientèle lucrative particulièrement recherchée.





D'où également l'ouverture récente de nouveaux types de "konbini" par les géants du secteur spécialement conçus pour capter ces consommatrices. C'est le cas de Lawson qui lancent actuellement des "konbini" pour les filles après avoir déjà innové avec les "Natural Lawson" (stylme épicerie fine), habillés de violet/rose, alors que les traditionnels Lawson sont bleus. Les autres suivent, naturellement.



En pleine période de crise, alors que les clients recherchaient les bas prix, les "konbini" ont vu débouler les "100 yens shops", magasins où tout était proposé au tarif unique de 100 yens (environ 75 centimes d'euro).

Les Seven Eleven et consorts ont réagi en ouvrant des "konbini" à 100 yens, ou en abaissant les étiquettes à 99 yens sur certains produits ultra-prisés, comme les fameux nigiris (boules de riz fourrées) qui sont l'un de leur hit depuis des lustres.

Autre exemple significatif: la création totalement nouvelle celle-là, puisqu'elle date de mi-2006, de "konbini" pour les vieux, sachant que la population nippone vieillit à vitesse grand V.

Les rayons y sont aménagés pour éviter à mami de se baisser ou d'avoir à tendre dangereusement les bras; les étiquettes y sont plus lisibles; les rations alimentaires adaptées au petit appétit des vieux, et les produits ciblés "senior" plus nombreux. On y trouve aussi des zones de repos avec fauteuils de massage, des chariots (les tarditionnels "konbini" en sont dépourvus). Enfin, les achats peuvent être livrés à domicile.


La chaîne Lawson a ainsi annoncé fin juin 2006 qu'elle avait l'intention de convertir 20% de son parc de magasins en "senior muke konbini" (supérettes spéciales pour vieux), aménagés pour les 50 ans et plus. Le Japon compte en effet 21% de plus de 65 ans, contre seulement 13% de moins de quinze ans, ce qui en fait le pays dont la population est la plus âgée du monde devant l'Italie.



Pour lutter contre ces "konbini", les supermarchés sont obligés de se sophistiquer pour se différencier, et d'ouvrir également 24/24 afin d'offrir un service à temps égal. En effet, selon une enquête réalisée en 2000, 90% des Japonais fréquentent les "konbini" la journée bien sûr, mais aussi entre 23 heures et 5 heures du matin. Bref, pour réellement rivaliser contre les "konbini", il n'y guère d'autre solution que d'ouvrir en nocturne.




C'est tout bénef pour le client qui n'a pas à se soucier du jour ni de l'heure, il trouvera toujours à bouffer, pourvu que son porte-monnaie ne soit pas aussi vide que son frigo.












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Commentaires

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Les gâteaux bretons “Jos Péron” sont au Japon 「ジョス・ペム: "La journaliste Karyn POUPEE a rédigé un excellent article sur les supérettes japonaises et présente ainsi le réseau franchisé des NATURAL LAWSON, dédié à la gente féminine et notamment des Office Ladies."

anonyme - 23.10.08 à 15:41 - # - Répondre -

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Les konbini ???? au Japon | Yves Cadot : "http://tokyo.viabloga.com/news/au-japon-pays-des-konbini (consulté le 25/04/2013)"

anonyme - 02.11.13 à 21:59 - # - Répondre -

Merci

Cependant, cette consommation effrénée pose des questions sur la durabilité et l'impact socio-économique de ces pratiques sur les petits commerces et l'environnement.

 

anonyme - 19.08.24 à 21:42 - # - Répondre -

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