En direct de Tokyo ...

par Karyn Nishimura-Poupée, correspondante AFP Japon, avec le mangaka japonais J.P.NISHI

La fiction du cinéma numérique devient réalité...

... et c'est au Japon qu'elle se tourne.

Publié par K. Poupée le Dimanche 25 Juin 2006, 04:10 dans la rubrique Technologies - Lu 7327 fois - Version imprimable

Haut-lieu de la branchitude tokyoïte, le gigantesque gratte-ciel Roppongi Hills à Tokyo, est devenu depuis le mois d'octobre 2005 l'un des théâtres d'une expérimentation high-tech de haut-vol.


Le cinéma Toho de Roppongi est en effet l'un des trois seuls au monde équipés à titre expérimental pour recevoir et projeter les block-busters hollywoodiens en numérique, en format très haute définition "4k" , et ce en provenance directe des studios des majors américaines par réseau haut-débit.

Les studios d'Hollywood et le mastodonte des télécoms japonais NTT réalisent ainsi depuis quelques mois des tests grandeurs nature de distribution numérique de longs-métrages en salle, transformant ainsi le scenario de la transition analogique/numerique du 7ème art, en une réalité visible sur grand écran au Japon, en exclusivité mondiale.

Le "Da Vinci Code" a ainsi été présenté au public nippon, à Tokyo (Est) et Osaka (Ouest), dans une version entièrement numérisée transmise sur des dizaines de miliers de kilomètres de fibre optique depuis les Etats-Unis.

Autant dire que pour que pour le studio Sony Pictures Entertainment autorise un tel voyage du long-métrage à gros budget, sous forme de données véhiculées sur un réseau, une bardée de technologies de transmission et des systèmes de sécurité infaillibles étaient requis. C'est qu'avec le piratage organisé qui sévit sur le Web, faut pas déconner.

L'expérimentation en cours, baptisée "4k pure", vise donc à démontrer la faisabilité et surtout la fiabilité de la distribution cinématographique numérique. Elle se déroule sous la houlette de NTT, avec le soutien des pouvoirs publics japonais dans le cadre du projet "cinéma numérique" du ministère des Affaires interieures et de la Communication nippon .

Le "Da Vinci Code" etait le 4ème film à bénéficier de ce mode de diffusion en salle, après Harry Potter, Corpse Bride et V pour Vendetta.

Vous aimez la ta techno? Eh bien vous allez être servis, on va tout vous expliquer.

L'infrastructure impressionnante mise en place pour ces essais repose sur un réseau de fibres optiques partant des studios de Los Angeles aux Etats-Unis pour aboutir dans les trois salles nippones équipées. Ce réseau de transport, découpés en plusieurs tronçons dont les débits vont de 200 Mbit/s à 1Gbit/s, est géré par NTT.

Les films sont numérisés, cryptés et transportés selon les spécifications techniques établies par la Digital Cinema Initiative (DCI) qui réunit depuis 2002 les grands studios américains.

Les images sont encodées selon le format haute-définition 4K, c'est-à-dire 4.096 lignes de 2.160 points, soit quelque 8 millions de pixels, ce qui offre un rendu similaire voire supérieur à celui de la bonne vieille bobine de film analogique 35mm. Pour mémoire, le format haute-définition pour la télévision plafonne au mieux à 1080 lignes de 1920 points, soit 2 millions de pixels. L'audio des longs-métrages numériques est quant à lui échantillonné en 96 KHz sur 24 bits, avec 16 canaux pleine bande. ça calme.

Avant d'être acheminé vers la salle, le film passe par plusieurs étapes préparatives pour aboutir à la création d'un master numérique de distribution (DCDM). A partir de cet élément maître sont créées des copies numériques de distribution, c'est-à-dire grosso modo des fichiers dans lesquels sont encapsulés les images, sons et sous-titrages, encodés et ultra-cryptés. Ce sont ces copies inviolables qui sont acheminées par réseau en fibres optiques vers les salles. Les données de sécurité, qui permettent de les lire, sont transportées séparément.

Une fois qu'une copie numérique (DCP) est entièrement importée au cinéma destinataire, le système informatique de contrôle vérifie que la salle est bien autorisée à la programmer, et contrôle que la programmation des séances correspond bien aux créneaux horaires de validité de l'autorisation.

 

A l'intérieur du réseau informatique de la salle, les informations liées à la sécurité et les flux de contenus audio/vidéo demeurent séparées. Les différentes clefs autorisant la salle à décrypter, décoder et projeter le film sont reçues par une connexion réseau permanente différente. Les salles doivent aussi être équipées de pare-feu pour éviter les attaques informatiques. Car le système de sécurité dans les salles vise non seulement à la prévention et à la détection des menaces de vol de film, mais aussi à éviter les projections non-autorisées ou encore les manipulations de contenu (comme le remontage ou le reformatage).

Les films ne sont pas diffusés en direct au moment de leur réception. Ils sont stockés localement sur un serveur de grande capacité (comptez quelque 500 gigaoctets pour trois heures) afin d'être programmés pour plusieurs séances

La réception des copies numériques, leur lecture, leur décryptage, leur décompression et autres procédures sont administrés par un ensemble logiciel baptisé "gestionnaire de salle", qui commande aussi les systèmes automatiques comme l'éclairage, les rideaux ou bien encore les effets spéciaux entre les différentes séquences de la séance, comme par exemple la transition entre les pubs.

Dans l'expérimentation en cours, les systèmes de sécurité installés en amont et en aval ont été développés et sont gérés par NTT, de même que les applications informatiques de contrôle de diffusion associé au prototype de projecteur 4k à technologie "SXRD" signé Sony.

Et voilà comment une fois encore, ce sont les Japonais qui vont révolutionner une industrie qui a pourtant vu le le jour en France, pays qui se montre désormais incapable de lui faire faire les bonds technologiques essentiels à sa pérennité.


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