Du haut de sa falaise, Ponyo hisse le cinéma japonais à des sommets...
... et coule les héros hollywoodiens !
Les Japonais vont moins au cinéma, contrairement aux Français qui, paraît-il, ont retrouvé le plaisir des grandes salles obscures.
Le pays du Soleil-Levant a totalisé 160,49 millions d'entrées en 2008, soit un repli de 1,7% par rapport à 2007. Les recettes ont dans le même temps fléchi d'autant à 195 milliards de yens (1,65 milliard d'euros). Un rapide calcul montre que le tarif acquitté pour une entrée est en moyenne de 1214 yens (soit près de 10,50 euros au cours actuel), ce qui est élevé comparé au prix moyen du ticket en France (promotions comprises).
Ce n'est pourtant pas que l'offre de films se raréfie, puisque le Japon comptait fin 2008 3.359 écrans, soit 338 de plus qu'un an plus tôt, une croissance qui résulte de l'ouverture de multiplexes gigantesques équipés de matériels dernier cri. Par ailleurs, quelque 806 films ont été projetés au public en 2008, soit à peu de chose près le même nombre qu'en 2007 (810).
La baisse de fréquentation et des recettes globales est due à une désaffection pour des films étrangers, selon les données disponibles. En effet, ceux-ci n'ont fait entrer dans les caisses que 79 milliards de yens (658 millions d'euros) en 2008, soit une chute de 24% en un an. C'est la première fois que les revenus tirés des films étrangers atteignent un montant et une proportion (40,5% du total ) aussi faibles depuis que ces statistiques sont établies (2000). En 2007, le cinéma étranger était devant celui produit au Japon avec une part de 52,3% des recettes totales.
Les Japonais bouderaient-ils les films étrangers? Possible, car en dehors des super-productions hollywoodiennes (Indiana Jones, Red Cliff, Hancock, I am Legend) promues de façon assourdissante et qui ont réussi à capter leur public habituel, les autres sont très très loin dans le classement.
A l'inverse, en 2008 les revenus tirés des films nippons n'ont jamais été aussi élevés (116 milliards de yens), affichant une progression de quelque 22% sur un an.
Si l'on met à part les "blockbusters hollywoodiens déjà cités", Les Nippons préfèrent donc et de loin les réalisations nationales, lesquelles collent apparemment plus à leurs attentes.
Sans surprise, le carton de l'année est signé Hayao Miyazaki, dont le dixième long-métrage d'animation, "Gake no ue no Ponyo" (Ponyo sur la falaise), est sorti en juillet au Japon. Ce joli film a généré 15,5 milliards de yens (130 millions d'euros) de recettes dans les salles de l'archipel, arrivant en tête avec plus de 12 millions d'entrées en moins de six mois. Cela représente le double du résultat obtenu par le 2e au palmarès ("Hana yori danshi finaru") et trois fois plus que le premier film étranger ("Indiana Jones").
Cette performance de Ponyo confirme que les Myazaki sont les locomotives du cinéma nippon. Chaque fois qu'une oeuvre de Hayao ou de son fils aîné Goro est à l'affiche, le 7e art japonais connaît une année faste.
Toutes générations confondues, les Japonais idolâtrent Miyazaki. A son talent propre et mondialement reconnu, s'ajoute une promotion époustouflante et incontournable durant des mois, poussant petits et grands devant les écrans. Ponyo est en plus un film très familial, très fédérateur, comme le fut Mon voisin Totoro, contrairement à d'autres chefs-d'oeuvre de Miyazaki réservés à un public averti (Princesse Mononoke par exemple).
Autre constat: l'animation dans son ensemble attire fortement le public. Bien que de niveaux très inégaux, les dernières aventures cinématographiques en date de personnages vedettes de dessins animés (Pokemon, Doraemon, Naruto, etc.) se classent en effet tous parmi les 30 premiers au box-office de 2008, malgré des sorties parfois tardives dans l'année.
Reste que globalement, les recettes des salles au Japon tendent à fléchir sans pour autant que le prix des billets baisse. De plus en plus équipés de grandes TV à domicile et servis sur place par des chaînes de TV ou services de vidéo à la demande, les spectateurs sont moins motivés pour sortir.
Afin de leur redonner l'envie de bouger et d'apprécier les fauteuils, les gérants rénovent leurs salles, dopent la qualité des matériels, cherchent à économiser sur les frais logistiques et s'apprêtent à proposer des spectacles plus divers, grâce à des innovations technologiques.
Deux grands producteurs et exploitants de salles de cinéma préparent ainsi la distribution de films et autres images sous la forme de fichiers numériques. Toho et Kadokawa vont utiliser le réseau de fibre optique à très haut-débit du géant des télécommunications nippon NTT pour expédier les longs-métrages ou autres contenus (concerts, manifestations sportives et divers événements publics) en haute définition (format "4k") vers leurs salles reliée à cette infrastructure ultra-sécurisée.
Cette initiative marque le lancement à grande échelle du "cinéma numérique en réseau" au Japon, après des années d'expérimentation sous la houlette de NTT et de divers autres groupes japonais. "Cette collaboration va permettre d'accélérer la transition vers le cinéma tout numérique", a commenté Toho. "La valeur ajoutée offerte pas la mise en réseau va également nous donner la possibilité de créer de nouveaux modèles économiques", a ajouté le groupe, un des fers de lance de la numérisation des salles dans l'archipel.
En 2007, Sony, également très impliqué dans ces développements, a lancé au Japon un service de distribution de spectacles vivants captés en format vidéo numérique à destination des salles du 7e art.
Un petit pourcentage des quelque 3.359 écrans du Japon sont pour l'heure prêts pour ce type de projections numériques, selon la fédération nippone des industries cinématographiques.
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Un petit tour au Tokyo Anime Fair 2007...
... pour mesurer la dimension industrielle de l'animation japonaise
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L'animation nippone, "anime" pour les intimes, est devenue une véritable industrie à visée commerciale mais elle sait malgré tout préserver sa valeur artistique initiale. Telle est la l'impression que l'on ressent après une visite au Tokyo Anime Fair, salon annuel de l'animation japonaise, dont la 6e édition s'est déroulée fin mars à Tokyo.
Cette manifestation, mi-professionnelle, mi-grand public, a une fois de plus mis en lumière la vaste étendue du secteur de la Jap'anime, via les exploitations multi-supports et protéiformes des dessins animés souvent eux-mêmes tirés de mangas archi-populaires.
Lorsqu'il s'est tenu pour la première fois en 2001, ce salon était loin de ressembler à ce qu'il est devenu aujourd'hui. Quelque 100.000 visiteurs s'y sont pressés cette année, en quatre jours, dont seulement deux ouverts au public.
Preuve que "l'anime" nippone, soutenue par l'Etat, connaît un vrai dynamisme qui suscite l'intérêt des foules autant que des professionnels (de l'édition, des médias et d'autres secteurs) japonais et étrangers.
La proximité de l'animation avec les jeux vidéos d'une part et le lien filial avec les mangas d'autre part ne sont pas pour rien dans cet engouement grandissant.
Le regain d'intérêt pour les dessins animés japonais hors des frontières de l'archipel (après une période de mise au ban) donne des ambitions nouvelles aux créateurs locaux. Ces derniers profitent des lettres de noblesse conférées au secteur par les chefs-d'oeuvres du maître du genre japonais, Hayao Miyazaki, à qui l'on doit entre autres superbes créations "Princesse Mononoke", "Le Voyage de Chihiro" ou encore "Mon voisin Tottoro".
A ces facteurs s'ajoute la puissance commerciale des chaînes de télévision japonaises qui investissent des sommes faramineuses dans la co-production de séries qui connaissent souvent un succès impressionnant auprès des publics qu'elles visent.
Contrairement à ce qu'on constate par exemple en France, les productions animées ne sont en outre pas destinées aux seuls publics jeunes, et ne sont pas non plus majoritairement co-financées par des chaînes pour enfants et ados.
Ce sont en effets les poids lourds hertziens publics et privés généralistes, comme Fuji TV, TV Tokyo, Nippon TV ou la NHK, qui mettent la main au porte-feuille et prennent souvent l'initiative d'adapter un manga en animation.
Les séries qui en naissent sont parfois diffusées en troisième partie de soirée (vers minuit) en semaine, prouvant qu'elles ne s'adressent pas aux assidus écoliers nippons, mais à leurs très grands frères et soeurs ou à leurs parents.
C'est par exemple le cas de "Nana", série adaptée du manga éponyme en plusieurs volumes signé par la dessinatrice Ai Yazawa. Cette animation très réaliste conte par le menu les exploits et mésaventures de minettes nippones dans le quartier branché de Shibuya à Tokyo au début de cette décennie.
Il faut plus d'un mois pour réaliser un épisode de 30 minutes et la production mobilise environ 300 personnes selon Morio Asaka, le réalisateur vedette de "Nana" interviewé récemment par l'auteur de ces lignes.
Le producteur de la série, Toshio Nakatani de NTV, également rencontré lors du doublage d'un épisode de la série, n'hésite pas à parler de "nanamania", affirmant que le manga s'est vendu à 30 millions d'exemplaires au Japon (tous tomes confondus), du jamais vu dans la catégorie des mangas pour jeunes filles, selon lui.
La déferlante Nana innonde désormais l'Europe, après s'être un peu apaisée au Japon.
Logique, une série en chasse une autre, et aujourd'hui, même si elle vante encore "Nana", NTV met davantage l'accent sur "Death Note" ou "Solid State Society", et sur son prochain pari estival, "Buzzer Beater".
Les concurrents aussi s'activent pour promouvoir la diffusion de leurs co-prod ou leur sortie en DVD. D'autant qu'avril marque au Japon le début d'une nouvelle année budgétaire et scolaire, équivalent ainsi à la rentrée de septembre en Europe
Les chaînes se battent comme des chiffonniers pour s'arroger les droits des meilleurs mangas et les adapter en série de plus en plus travaillées avec des moyens ultra-ambitieux et tout autant onéreux.
Elles n'hésitent ainsi pas à employer des outils d'effets vidéo et audio numériques très haut de gamme aux tarifs d'achat et d'exploitation exorbitants.
C'est que le public nippon, équipé de TV haute-définition, est fait de connaisseurs habitués aux images époustouflantes et au son multi-canal des films en salle ou des jeux vidéo.
Les producteurs pas regardant rétribuent chèrement les "talento", starlettes du petit écran que chérissent les Japonais,
pour doubler les voix des personnages.
La quête de perfection, condition indispensable mais insuffisante du succès, a toutefois un prix.
Pour rentabiliser leurs super-productions, les chaînes et les studios avec lesquels elles travaillent, comme Madhouse (qui fête ses 35 ans), sont obligés de sur-exploiter leurs produits sous toutes les formes imaginables, y compris à l'étranger.
Le "merchandising" qui accompagne l'animation japonaise est ainsi proprement ahurissant, qui paraît sans limites: produits dérivés en tout genre, fringues, jeux vidéos, version BD pour téléphone portable, films, CD, sans compter des concerts de groupes de rock qui s'inspirent des personnages ou autres évévements promotionnels très courus comme l'est denenu l'Anime Fair.
Mais le commerce ne tue pas la création: la preuve avec les studios Ghibli de Toshio Suzuki et Hayao Miyazaki, qui exploitent aussi à merveille et sans se priver le filon, vendant des milliers de produits dérivés des animations du maître, y compris au Tokyo Anime Fair, sans que leurs créations ne perdent en qualité. C'est même en partie grâce aux sommes ainsi gagnées que ces bijoux existent.
Pour finir, sachez que notre intérêt amusé s'est porté cette année sur un dessin animé tout mignon qui sera prochainement diffusé au Japon, contant les aventures de ... "Kamichama Karyn" (la petite déesse Karyn, excusez du peu!)
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