En direct de Tokyo ...

par Karyn Nishimura-Poupée, correspondante AFP Japon, avec le mangaka japonais J.P.NISHI

Scandale Olympus: aveuglement complice

Chronique hebdomadaire "Live Japon" sur Clubic.com, avec le mangaka Nishi

Publié par K. Poupée le Mardi 10 Janvier 2012, 22:41 dans la rubrique économie

Il y a deux mois et demi a été révélé un énorme scandale financier chez Olympus, maison réputée pour ses appareils photo et endoscopes. Au milieu des rebondissements quasi quotidiens de cette saga (dont nous vous avons narré les premiers épisodes il y a quelques semaines) est apparu un aveuglement général de dirigeants du groupe qui ont fait semblant (ou non) de ne pas voir des malversations pourtant devenues énormes depuis deux décennies.

Pour le mangaka japonais Jean-Paul Nishi, cette situation insensée s'assimile à celle d'un vieux couple où l'un dissimulerait faussement pendant des lustres un secret de polichinelle qui crève les yeux mais que l'autre feint d'ignorer.

Live Japon Olympus

L'affaire Olympus a débuté le 14 octobre avec le limogeage manu-militari du PDG britannique Michael Woodford, premier "gaijin" (étranger) à avoir dirigé cette vénérable maison. Depuis, le drame s'est amplifié et les malversations financières auxquelles se sont livrés plusieurs dirigeants de l'entreprise ont été en grande partie mises au jour.

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Le rêve brisé des fabricants japonais d'écrans de TV

Chronique hebdomadaire "Live Japon" sur Clubic.com, avec le mangaka Nishi

Publié par K. Poupée le Dimanche 6 Novembre 2011, 18:02 dans la rubrique économie

Tout individu un tantinet soigneux qui prend la précaution de coller un film de protection sur l'écran tactile de son smartphone a vécu le cauchemar des bulles d'air si récalcitrantes qu'on les croirait vivantes (manga de Jean-Paul Nishi). Mais ce genre de galère n'est rien comparé au calvaire des fabricants japonais de dalles-mères.

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Il y a ne serait-ce que deux ou trois ans, les fabricants japonais de dalles d'écrans à cristaux liquides (LCD) et plasma investissaient des sommes pharaoniques dans de gigantesques usines au Japon, dopaient la production de leurs sites existants pour le marché des télévisions. Aujourd'hui, ils broient du noir.

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Du rififi chez Olympus

Chronique hebdomadaire "Live Japon" sur Clubic.com, avec le mangaka Nishi

Publié par K. Poupée le Dimanche 30 Octobre 2011, 20:53 dans la rubrique économie

Olympus : pour les amateurs de photographie, cette marque japonaise rappelle l'esthétique des boitiers argentiques Pen, dont la première mouture remonte à 1959, ou le son et la sensation au toucher du déclencheur d'appareils comme l'OM-2, commercialisé en 1975. Hélas, la marque Olympus est entachée depuis deux semaines par une affaire financière et une guerre de clans au sein de la direction, scandale dans lequel d'aucuns soupçonnent même la présence en coulisses de groupes mafieux. Victime de règlements de compte entre chefs, la marque Olympus se fait tabasser, comme dans le manga de notre dessinateur japonais Jean-Paul NISHI.

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Dieu qu'il a du être houleux et pour certains douloureux le conseil d'administration d'Olympus le vendredi 14 octobre. Ambiance. Ce jour là, le PDG exécutif d'alors, le britannique Michael Woodford, n'a pas eu droit à la parole. Quelques minutes après l'issue de la réunion, un communiqué informait la presse de son limogeage. Il dût quitter l'entreprise sur-le-champ.

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Yen cher: cela vous concerne aussi...

Chronique hebdomadaire "Live Japon" sur Clubic.com, avec le mangaka Nishi

Publié par K. Poupée le Dimanche 7 Novembre 2010, 00:20 dans la rubrique économie


Si vous prévoyez des vacances au Japon, faites des économies, car l'accès de fièvre actuel de la monnaie nippone (yen) renchérit le coût des séjours dans l'archipel. Parallèlement, même si les voyages en France ou aux Etats-Unis sont meilleurs marché pour les Japonais, encore faut-il pour qu'ils osent sortir des frontières de l'archipel qu'ils aient des revenus assurés. Or, comme le montre notre mangaka japonais surnommé Jean-Paul Nishi, pour les salariés au Japon, la perte de compétitivité de leur entreprise et les risques de délocalisation pourraient bien leur coûter leur place. Il ne leur restera plus alors qu'à faire des économies en achetant des produits importés au rabais, puisque rendus moins chers par la faiblesse des monnaies étrangères, et ce quitte à étrangler plus encore les producteurs locaux de gâteries et autres marchandises. Spirale infernale.

Pour l'heure, ne nous y trompons pas, si, en dépit du yen cher, Sony, Panasonic et consorts affichent des bénéfices, c'est grâce notamment à la clientèle de pays émergents (Chine, Inde, etc.) et en minimisant la production et l'approvisionnement au Japon afin de réduire leurs dépenses.

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Endaka, endaka, endaka. Ce terme, qui signifie « hausse du yen » barre depuis des semaines la une des journaux japonais, alimente tous les débats, donne des migraines au ministre des Finances et des insomnies au gouverneur de la banque centrale nippone. Quant aux dirigeants des grosses entreprises exportatrices japonaises, ils sont forcés de se remuer chaque jour un peu plus les méninges pour trouver où et comment faire des économies. Entre l'an passé et cette année, le yen s'est élevé dans des proportions considérables face au dollar et à l'euro, ce qui constitue en théorie un énorme handicap pour vendre au-delà des frontières de l'archipel des produits fabriqués sur place ou pour rivaliser avec les bas prix des denrées importées. La devise nippone évolue depuis août à son niveau le plus élevé en quinze ans face à la monnaie américaine. Un billet vert qui coûtait 92,5 yens en août 2009, ne valait plus que 85,5 yens le même mois de cette année, et 81 yens ce vendredi. Un euro donnait droit à 135,5 yens en août 2009, aujourd'hui il vaut 20 yens de moins. Bilan, les ventes des produits japonais à l'étranger rapportent moins et ce qui est produit au Japon coûte plus cher à l'extérieur.

La suite ici...

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Le "choc Toyota"

... le titan mis à rude épreuve

Publié par K. Poupée le Samedi 8 Novembre 2008, 00:21 dans la rubrique économie


En allant à l'hôtel ANA Intercontinental de Tokyo le 06 novembre à 15 heures, on savait qu'il y aurait foule de journalistes pour écouter les dirigeants de Toyota. On savait également que les bonnes nouvelles dont le titan nippon était coutumier ne seraient cette fois pas de mise. Et pour cause: comment pouvait-il être le seul du secteur de l'automobile à afficher des résultats et perspectives réjouissants dans cette période de marasme tous azimuts et alors que le mastodonte américain General Motors est au bord de la faillite? Mais le tableau économique dressé par un ponte du groupe japonais fut bien plus noir qu'aucun ne l'imaginait. Volontairement?


Le champion Toyota a en tout cas fait état de prévisions alarmantes après une vertigineuse chute de ses ventes et profits au premier semestre de l'exercice budgétaire, subissant durement les effets de la débâcle banco-financière sur les achats de véhicules, sur l'octroi de crédits et sur les taux de change.
"Nous n'avons jamais connu une période si difficile", a d'emblée déclaré le vice-président exécutif de Toyota, Mitsuo Kinoshita. Entre avril et septembre de cette année, le groupe Toyota Motor, qui comprend les marques Toyota, Lexus, Daihatsu et Hino,  a vendu 510.000 véhicules de moins que l'an passé à la même époque, soit 4,64 millions.
"La conjoncture est mauvaise sur tous les plans", et notamment aux Etats-Unis où le géant n'est pas parvenu à dégager de marges, c'est dire, même si sa part de marché, 17%, n'y a jamais été aussi élevée. Déduction: ses concurrents sont encore plus touchés que lui, ce qu'on n'ignorait pas.
Au Japon, ses profits ont été divisés par deux à cause là encore d'une contraction des ventes. En Europe de l'Ouest, cela ne va pas fort non plus. Seule bonne nouvelle: les achats de Toyota continuent de grimper en Russie, en Asie (hors Japon) et en Amérique du Sud (Brésil principalement).




Egalement victime de la cherté des matières premières et des variations erratiques des prix du pétrole, Toyota a sabré de plus de moitié son estimation de bénéfice net pour l'exercice d'avril 2008 à mars 2009, incapable de réaliser en totalité les économies prévues. Le groupe, qui est un des plus atteints par la hausse du yen face au dollar et à l'euro, table désormais sur un bénéfice net de 550 milliards de yens (4,4 milliards d'euros), une somme encore rondelette mais beaucoup moins que les 1.250 milliards espérés auparavant. Le géant de Nagoya (centre) a aussi taillé ses évaluations de chiffre d'affaires annuel (23.000 milliards de yens - 177 milliards d'euros -  au lieu de 25.000 milliards de yens). Il se prépare en outre à endurer une dégringolade de 74% sur un an de son profit d'exploitation, à 600 milliards de yens (
4,6 milliards d'euros), un coup dur selon lui inimaginable il y a ne serait-ce que trois mois. Et M. Kinoshita d'énumérer : la flambée des cours du pétrole et de l'acier, la crise des prêts hypothécaires "subprime", la faillite de la banque Lehman Brothers, la chute des Bourses, le bond du yen, la désertion des investisseurs... : "Où trouver la stabilité ? C'est vraiment très difficile".




"L'économie réelle, notamment celle des pays industrialisés, a été percutée par la crise financière et c'est le secteur automobile qui a été le plus durement touché", a-t-il assuré "Quelle sera la taille du marché américain cette année ? 13,5 millions ?, compte-tenu des multiples problèmes, et notamment du fait que les banques ne prêtent plus d'argent et que les consommateurs n'ont pas le moral..."
"Prévoir la sortie de crise est bien difficile, même les experts économistes ne savent pas", a encore déclaré M. Kinoshita, lequel espère toutefois que les choses redémarreront à partir de la fin de l'année prochaine.
Habitué à regarder ses ventes augmenter allègrement d'année en année en roulant sur le terrain de concurrents occidentaux, Toyota s'attend cette fois à un recul, pour la première fois en une décennie. Il se montre dès lors solidaire de l'américain en difficulté General Motors, bien que lui disputant amicalement la place de numéro un mondial du secteur. Les deux groupes ne sont pas des rivaux prêts à tout pour terrasser l'autre. Au contraire, ils ont depuis 20 ans des liens aux Etats-Unis (usine) et le japonais n'a pas l'intention de les rompre, surtout pas en ce moment.



Au final, Toyota pense écouler 8,24 millions de véhicules toutes marques confondues (Toyota, Lexus, Hino, Daihatsu) dans le monde durant les douze mois allant de mars dernier à avril prochain, contre 8,91 millions livrés au cours des douze mois précédents. Pour la suite? Impossible de le dire pour le moment. Les évaluations de ventes pour l'an prochain seront révélées en décembre, mais, a averti M. Kinoshita, "les chiffres seront sévères, cela ne fait pas de doute".
Face à cette redoutable adversité, Toyota, fidèle au bréviaire des fondateurs, veut se battre.
"On a vécu de multiples crises, on a toujours progressé et on a bien l'intention de continuer. Ces périodes sont une occasion pour opérer des changements décisifs (...), nous voulons impérativement recouvrer la croissance", a martelé M. Kinoshita.


La firme a monté en toute hâte un "Comité d'amélioration urgente des revenus et profits", structure présidée par le patron Watanabe et qui doit tout passer au crible pour trouver où et comment régénérer en interne des marges mangées de l'extérieur. "Les projets (nouvelles usines, nouveaux modèles) seront également disséqués et corrigés au besoin en termes de temps et d'ampleur", a prévenu M. Kinoshita. Si les salariés sous contrat à durée déterminée (CDD) et travailleurs intérimaires nippons risquent de faire en partie les frais de cette situation hors du commun (gel des nouveaux recrutements en CDD et non-reconduction), Toyota n'envisage en revanche pas une seconde de licencier.



Il va de plus en plus orienter ses gammes vers les modèles hybrides, compacts et ultérieurement tout électriques, en exploitant au maximum ses innombrables atouts techniques, ainsi que ses ressources matérielles et humaines.
Pas question de couper sans ménagement dans les dépenses de recherche et développement (R&D), toujours jugées cruciales, et plus encore lorsqu'il faut relever le défi aujourd'hui posé. En redéployant ses moyens, il entend mettre vite sur le marché une offre de modèles écologiques et accessibles qui collent au plus près à la demande actuelle des clients. "Ce n'est pas seulement une réaction appropriée aux changements conjoncturels, c'est aussi une politique tournée vers la croissance future", se console M. Kinoshita.


Géant emblématique du Japon, Toyota a évidemment provoqué une déflagration (cela s'est vu dans la titraille des journaux "panique, choc" et sur son cours de Bourse le lendemain, en chute).


Mais on ne peut exclure qu'il ait sciemment voulu noircir le panorama pour susciter des réactions salutaires en interne et dans des milieux politico-financiers, tant pour lui-même que pour ses fournisseurs et concurrents, tous à bord du même navire à la dérive.
 



L'histoire, la philosophie, les méthodes et processus industriels du groupe Toyota vous intéressent?

Eh bien lisez
"Les Japonais", essai (sociologie, histoire, politique, économie, etc.) paru en septembre aux éditions Tallandier.


 

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Nintendo: le yen attaque...

... mais les Wii et DS sont imbattables !!

Publié par K. Poupée le Dimanche 2 Novembre 2008, 13:22 dans la rubrique économie


Tout comme Sony la semaine dernière, cette fois c'est Nintendo qui a été contraint ce jeudi 30 octobre de raboter ses mirifiques estimations de bénéfices annuels, lui aussi touché par la brusque hausse du yen qui entame ses marges.
Nintendo a ramené son évaluation de profit net annuel à 345 milliards de yens (2,76 milliards d'euros), alors qu'il espérait auparavant le voir atteindre 410 milliards. Mais même en défalquant des milliards de yens sur ses simulations antérieures, Nintendo n'est pas aux abois, tant s'en faut, puisque les nouveaux gains attendus seront encore historiques et d'un tiers supérieurs à ceux encaissés l'an passé.
Les profits nets de Nintendo représenteront en outre plus du double de ceux du géant de l'électronique nippon Sony qui, plus éclectique, affiche pourtant un chiffre d'affaires quatre fois et demie plus gros. Un rapide retour en arrière montre que, quoi qu'il en soit, Nintendo empochera cette année un bénéfice net qui équivaut presque au total de ses recettes de ventes annuelles d'il y a cinq ans, avant qu'il ne mette sur le marché la famille DS puis la Wii, devenues ses vaches à lait.





Peu importe la conjoncture économique mondiale, radieuse ou calamiteuse, les jeux et consoles estampillés Nintendo se vendent de mieux en mieux. La crise pourrait même accélérer le mouvement. "Nos affaires vont bien en soi et nous nous attendons à une augmentation des ventes en volume", assure la firme. Contrairement à d'autres groupes japonais plus diversifiés qui constatent que les clients sont plus durs à attraper et rechignent à s'offrir certains produits high-tech coûteux (larges téléviseurs à écran plat par exemple), Nintendo semble au contraire profiter de l'envie des consommateurs de se vider la tête, de se faire plaisir, sans sortir, et de se distraire en famille à un prix somme toute jugé raisonnable comparé à celui d'autres loisirs. Que les marges sur chaque console et jeu vendus à l'étranger soient soudainement grignotées par le yen plein d'entrain ne change rien au fait que le groupe continue de fabriquer des Wii, des DS et des boîtes de cartouches ou DVD, à tour de bras: "En voulez-vous? En voilà!".

Live japon : lancement nintendo dsi


De fait, après un début d'année en fanfare, et alors que les calamités économiques s'accumulent, Nintendo s'attend à vendre plus de consoles et jeux qu'il ne le pensait il y a ne serait-ce que trois mois.

Live japon : lancement nintendo dsi


Sur l'ensemble de l'année budgétaire (avril dernier à mars prochain), il compte écouler 30,5 millions de machines de poche à double-écran DS ainsi que 27,5 millions de consoles de salon Wii. A mi-parcours, il a déjà vendu près de 14 millions de DS, portant le total à 84 millions depuis la naissance de cette famille de consoles fin 2004. En six mois, plus de 10 millions de Wii ont également rejoint autant de foyers dans le monde, ce qui hisse le total à 34,5 millions depuis leur lancement fin 2006.

Live japon : lancement nintendo dsi
La forme insolente de Nintendo n'est pas forcément une surprise pour les familiers de l'industrie du jeu. On a déjà constaté par le passé que les périodes de débâcle économique coïncident souvent avec celles dorées de quelques secteurs du divertissement. Ainsi en fut-il lors des précédentes grandes déprimes au Japon dans les décennies passées.

A en juger par l'ambiance électrique du Tokyo Game Show, le plus grand salon asiatique qui s'est tenu récemment dans la banlieue tokyoïte, les studios de développement n'avaient en tout cas guère l'esprit torturé par le cataclysme financier mondial, contrairement aux opérateurs des salles de marchés boursiers tout aussi accros aux écrans. Le jeu vidéo "n'est pas le genre d'industrie qui subit des chutes soudaines et violentes de la demande", se rassure Yoichi Wada, président de la fédération professionnelle du secteur au Japon et de l'entreprise Square Enix.

Même son de cloche dans la bouche du PDG de Nintendo, Satoru Iwata, qui en veut pour preuve les courbes de vente de ses machines et jeux depuis que la conjoncture va de mal en pis. Ils sont rares ceux qui, à l'instar de Hiroshi Kamide, analyste chez KBC Securities, affirment que "la récession n'est pas une bonne chose pour ce secteur non plus, quoi qu'on en dise". Cette opinion minoritaire pourrait à première vue être sous-tendue par les derniers chiffres du marché au Japon. Au premier semestre, les ventes de consoles y ont baissé de 33,5% en valeur et celles de jeux de 10,3%, selon les statistiques d'Enterbrain, société d'édition spécialisée.

Live japon : lancement nintendo dsi
Live japon : lancement nintendo dsi


Toutefois, "cette contraction est naturelle, du fait des cycles d'apparition des nouvelles générations de machines", explique son PDG, Hirokazu Hamamura, selon qui l'année dernière a bénéficié de la mise en vente fin 2006 de la Wii de Nintendo et de la PlayStation 3 de Sony. "La situation du jeu vidéo au Japon n'est pas mauvaise", assure-t-il, prédisant une seconde moitié d'année dynamique avec la sortie au Japon de sagas attendues et de titres très grand public comme "Wii Music", le nouveau divertissement de simulation musicale de Nintendo.

En Europe, où le secteur financier est plus durement touché qu'au Japon, la filiale de jeu du géant nippon Sony affirme qu'elle ne connaît pas non plus la crise. La déconfiture financière "n'a pas d'effets négatifs sur notre marché, c'est même le contraire", assure un responsable de Sony Computer Entertainment.

Live japon : lancement nintendo dsi
Live japon : lancement nintendo dsi


"On le lit sur les graphiques de vente, alors même que les dernières consoles et les titres allant de pair sont plutôt chers", explique-t-il. En 2007, le marché mondial du jeu s'est élevé à près de 22 milliards d'euros, en progression de 80% par rapport à 2006, selon l'association des industriels du divertissement numérique japonais. Ce découplage entre le marasme financier et la santé de l'univers ludique virtuel s'explique, selon le responsable de Sony, par un "effet cocooning", un phénomène qu'il juge "particulièrement vrai en France".

Live japon : lancement nintendo dsi


"Au lieu d'une séance de cinéma en famille, les gens préfèrent rester à la maison et s'amuser avec des jeux de société vidéo", comme des quiz ou des karaoke, analyse-t-il, estimant qu'"a contrario, le cinéma risque de souffrir". Les familles font des arbitrages budgétaires différents, compte-tenu de l'inflation et du tarif exorbitant de l'essence. Ce n'est pas seulement vrai en Europe. De fait, si le jeu à domicile au Japon résiste, les salles spécialisées nippones, elles, souffrent le martyre depuis plusieurs mois, à l'image du groupe Sega Sammy ancré dans le rouge à cause de la "désertion" de ses temples du jeu au profit du divertissement à la maison. Au Japon aussi, la flambée des prix de l'essence jusqu'à ces dernières semaines est un facteur qui a freiné les sorties en voiture dans des sites de loisirs excentrés.

Live japon : lancement nintendo dsi
Live japon : lancement nintendo dsi


Restent quand même les "hard gamers", ces caïds de la manette et des consoles en tous genres. Aucune conjoncture ne paraît en mesure de tuer leur passion pour les jeux à grand spectacle pour lesquels ils déboursent des fortunes. Pour ces inconditionnels, s'il existe une crise dans le secteur du jeu japonais, c'est peut-être celle de la créativité, illustrée selon eux par les jeux pour DS ou Wii. Et les mêmes de n'avoir pas de mots assez durs pour Nintendogs et autres amusements "bon enfant". Sauf que ces "hard gamers" ne sont pas assez nombreux pour faire vivre le secteur.
Et voilà pourquoi Nintendo poursuit sa stratégie sans se préoccuper de leurs réflexions désobligeantes à son égard. "Une Wii par famille, une DS par individu", répète à l'envi le patron de la firme de Kyoto, Satoru Iwata, lorsqu'il affiche ses ambitions ultimes. Et le même de dégainer de nouvelles armes chaque fois que la demande semble marquer un peu le pas, comme ce fut le cas ces derniers mois concernant la DS au Japon.

Live japon : lancement nintendo dsi
Live japon : lancement nintendo dsi


Pour remettre en route la machine à cash, Nintendo a donc lancé ce samedi dans l'Archipel une nouvelle variante de cette console de poche, la DSi, dotée d'écrans plus larges, de deux caméras et de fonctions sonores plus costaudes, autant de fioritures pour mieux affronter la rivale combative PSP de Sony, stimuler les développeurs pour créer des divertissements inédits, amuser les petits et les grands et remplir le tiroir-caisse. Le yen, lui, n'aura qu'à bien se tenir.

Bien qu'esthétiquement peu différente de son aînée DS Lite, sortie au Japon en mars 2006, la DSi était la star du jour dans les empires de l'électronique de Tokyo. "Il y avait environ 300 personnes qui patientaient ce (samedi) matin à l'ouverture", a assuré à mi-journée un vendeur de l'enseigne Bic Camera de Yurakucho au coeur de la capitale. Chez ses rivaux Yodobashi Camera et Sofmap, dans le royaume high-tech d'Akihabara, il fallait avoir réservé, et pas plus d'une par personne. Ce mode de vente a permis d'éviter les cohues habituelles, surtout en plein week-end de trois jours où, aux innombrables tokyoïtes, s'ajoutent les Nippons de passage. "Tous les exemplaires livrés ont été retenus", affirmait un vendeur de Yodobashi, dont les propos étaient d'ailleurs confirmés par les affiches placardées un peu partout.

Live japon : lancement nintendo dsi
Live japon : lancement nintendo dsi


Qui achète cette DSi? "Ceux qui ont déjà un modèle antérieur mais, fanatiques, désirent en changer, et ceux qui ont sauté sur cette nouveauté pour entrer dans la famille déjà nombreuse des possesseurs de consoles DS", détaille notre interlocuteur. "Les enfants qui n'ont pas de téléphone portable ou appareil photo numérique voient dans la DSi une solution pour prendre des photos et s'amuser avec", cite-t-il en exemple. Au vu des caractéristiques techniques de la machine, pas si bluffantes que cela, il ne pensait toutefois pas que "l'enthousiasme initial serait tel".

Live japon : lancement nintendo dsi
De fait, toutes les boutiques de jeu d'Akihabara affichaient "shinagire" (rupture de stock) ou "kanbai" (toutes vendues) à la mi-journée. Seul un des deux Bic Camera du coeur de Tokyo, Yurakucho, avait encore à 14 heures quelques dizaines de machines, de couleur blanche uniquement. Nintendo avait livré 200.000 DSi dans tout le pays samedi. Il prévoit un réassortiment de 100.000 unités dans les prochains jours.

Même si près d'un Japonais sur cinq détient déjà une variante de DS, le potentiel de marché pour la DSi est encore jugé énorme. Elle pourrait s'écouler à dix millions d'unités au Japon, portant à plus de 35 millions d'exemplaires le total des ventes de cette famille de machines dans l'archipel depuis sa naissance en 2004, d!ixit le patron d'Enterbrain, lequel dit baser ses calculs "sur l'observation fine des catégories de Japonais qui n'ont pas encore de DS". "Cette DSi ne se présente pas comme une nouvelle génération, mais comme une évolution.

En ce sens, elle a vocation à attirer une nouvelle clientèle pas encore équipée et non à pousser ceux qui ont déjà une DS à la renouveler", explique M. Hamamura. Il dit songer notamment aux jeunes hommes salariés, aux lycéennes et aux tout petits enfants, publics qui, selon lui, sont les moins gros acheteurs des DS/DS Lite. L'intégration de caméras à l'avant et à l'arrière et les fonctions audio peuvent entraîner la création de nouveaux types de divertissements attirants. "Les lycéennes sont des fans des puricura (cabines où l'on se photographie seul ou à plusieurs sur des fonds rigolos). Elles trouveront amusant d'avoir cette fonction directement sur leur console avec la possibilité de retoucher facilement les clichés ", pense-t-il. M. Hamamura estime également que la distribution en téléchargement de mangas (bandes dessinées japonaises lues par tous les publics) et de romans (très appréciés par les filles) peut dynamiser les ventes de DSi au Japon.

A défaut d'avoir une DSi et de pouvoir télécharger des bouquins, achetez
"Les Japonais", essai (sociologie, histoire, politique, économie, etc.) paru en septembre aux éditions Tallandier.




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Les firmes exportatrices nippones prises au piège du yen fort...

Publié par K. Poupée le Dimanche 26 Octobre 2008, 23:19 dans la rubrique économie


Souvenez-vous, il n'y a pas si longtemps, au mois de mai précisément, on expliquait ici et ailleurs comment Sony avait retrouvé des couleurs et s'attendait à un avenir radieux, tant sur le plan des innovations que des finances. Le PDG du groupe promettait même aux actionnaires patients des dividendes croissants. Patatras. Le géant de l'électronique japonais a été contraint jeudi de sabrer sans ménagement ses prévisions de résultats financiers pour l'année en cours, victime innocente de la déconfiture économique mondiale et de son cortège de conséquences malheureuses, à commencer par la hausse soudaine du yen devenu une monnaie refuge face au dollar et à l'euro.

Live Japon : la crise lamine les technologies


Sony, qui avait abaissé une première fois ses prétentions en juillet, voyant déjà la crise restreindre ses marges, ne table désormais plus que sur un bénéfice net annuel de 150 milliards de yens (1,30 milliard d'euros au cours actuel), inférieur de plus de moitié à celui encaissé l'an passé. « La conjoncture économique s'est brutalement dégradée et notre situation financière est en-deçà de nos estimations de juillet en raison notamment de la forte appréciation du yen », a expliqué le directeur financier du groupe, Nobuyuki Oneda, lors d'une conférence de presse convoquée dans l'urgence.



La brusque et forte hausse de la monnaie japonaise produit des effets désastreux sur les hypothèses de recettes tirées des téléviseurs, des appareils photo numériques, des caméscopes et autres équipements électroniques distribués à l'échelle mondiale. C'est simple: si Sony prévoit qu'un produit qu'il vend 200 euros en Europe va lui rapporter 33.000 yens sur la base d'un taux de change à 165 yens pour un euro, ce même article proposé au même tarif en euros ne rapporte plus que 25.000 yens lorsque la monnaie européenne chute à 125 yens. Idem sur le marché américain quand le yen s'élève vis-à-vis du dollar. Voilà exactement ce qui s'est produit en l'espace de quelques semaines et que nul n'avait anticipé. Multipliez ce cas par des millions de produits, et, à l'arrivée, le différentiel se chiffre en milliards d'euros ou dollars donc en centaines de milliards de yens.

Live Japon : la crise lamine les technologies
Live Japon : la crise lamine les technologies


Sony, qui pariait toujours en juillet sur des taux de change de 105 yens pour un dollar et 160 yens pour un euro, cours presque aussi favorables qu'en 2007, s'expose à de nouveaux déboires si d'aventure ses estimations actuelles pour les six mois à venir (100 yens pour un dollar et 140 yens pour un euro) s'avèrent encore trop optimistes. Le billet vert s'échangeait en effet vendredi sous les 95 yens et la devise européenne aux alentours de 115 yens. Bref, si les valeurs monétaires restent à ces niveaux alarmants pendant plusieurs semaines ou mois, Sony va encore devoir prévenir ses actionnaires que les bénéfices ne seront pas à la hauteur des attentes. Et si, pour compenser les effets de change et préserver ses marges, il augmente ses prix en euros et dollars hors du Japon, ses produits ne seront plus compétitifs et les clients les dédaigneront au profit de ceux, moins onéreux, de concurrents sud-coréens, européens, chinois ou autres.

Live Japon : la crise lamine les technologies
D'autant que, deuxième conséquence de la crise, se profile une baisse de la demande de produits électroniques, principalement aux Etats-Unis et en Europe. « Nous pensons désormais que nous écoulerons 16 millions de téléviseurs cette année, alors que nous ciblions 17 millions précédemment », a précisé M. Oneda. Du coup, cette activité majeure et emblématique, qui devait redevenir rentable cette année, risque de terminer l'exercice budgétaire une fois de plus dans le rouge. Même chose pour celle des jeux vidéo, affectée par les taux de change, bien que les ventes de consoles et divertissements numériques associés se portent plutôt bien en nombre d'unités. « Le retour aux profits d'exploitation (dans ces deux domaines) apparaît désormais difficile », a reconnu le patron des finances du groupe. Sony est en effet entraîné dans une guerre des prix face à ses concurrents du secteur des TV et autres produits grand public. Voilà qui accentue encore la difficulté de pronostiquer et garantir des profits.

Live Japon : la crise lamine les technologies
Bilan, le fleuron de l'électronique nippon n'escompte désormais plus qu'un chiffre d'affaires annuel de 9.000 milliards de yens (78 milliards d'euros au cours actuel) contre 9.200 milliards auparavant attendus. Cela reste encore supérieur à l'an passé (8.871 milliards), mais l'horizon n'en est pas moins assombri puisque les profits ne suivront pas. Ce retournement conjoncturel est d'autant plus attristant que Sony venait tout juste de renouer globalement avec la forte rentabilité en 2007 et de redonner ainsi le moral tant à ses salariés qu'à ses actionnaires. Pis, il pense à présent que la situation économique ne va pas se redresser en quelques semaines.


Cette noire prédiction semble largement partagée. La preuve, la Bourse de Tokyo s'est encore effondrée vendredi, Sony ayant entraîné tout le secteur majeur de l'électronique dans sa vertigineuse dégringolade.

L'indice de référence de la place tokyoïte, le Nikkei 225, a plongé de 9,60% vendredi 24 octobre, au terme d'une mémorable journée cauchemardesque, la quatrième du mois après celles entrées dans les annales des 8, 10 et 16 octobre (respectivement -9,4%, -9,6% et -11,41%). Redoutant un déluge de révisions à la baisse des objectifs de profits des firmes exportatrices nippones, les investisseurs à la Bourse de Tokyo se sont débarrassés de leurs actions.

Live Japon : la crise lamine les technologies
Live Japon : la crise lamine les technologies


Le choc de très mauvais augure créé par Sony en divisant ses simulations financières a non seulement fait dévisser de 14,07% le prix de son action, mais il a aussi enfoncé tout le secteur des technologies, n'épargnant aucun des poids-lourds nippons de l'électronique que sont Panasonic, Canon, Sharp, Nikon ou Pioneer. D'habitude moins sanctionné, le numéro un japonais des consoles de jeu vidéo, Nintendo, a aussi été pris dans la nasse. C'est que les investisseurs des sociétés japonaises craignent aussi que la prudence des consommateurs occidentaux et nippons, couplée à la difficulté d'obtenir des crédits, se traduise par une offre supérieure à la demande, donc des stocks excédentaires aboutissant à des surcapacités de production.

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Cette effrayante appréhension est pour l'heure jugée infondée par le Premier ministre nippon, Taro Aso, lequel a affirmé vendredi depuis Pékin que « l'économie japonaise n'est pas en mauvais état », mais qu'elle subit durement l'impact de mouvements extrêmes des valeurs et des monnaies. L'homme n'a pas tort au demeurant. De nombreuses entreprises japonaises, à commencer par Sony, se sont profondément restructurées et assainies au début de cette décennie, se remettant de l'éclatement des bulles immobilière, financière et technologique ainsi que des effets des attentats du 11 septembre aux Etats-Unis, terrible enfilade d'événements endurés entre 1991 et 2001. La situation actuelle des sociétés nippones (y compris celle des banques) n'est donc pas en elle-même calamiteuse. Toutefois, les choses pourraient se dégrader rapidement si la clientèle se raréfie partout, sauf à ce que chaque firme s'adapte en douceur à cette nouvelle donne, ce qui n'est pas impossible mais exige de s'y prendre suffisamment tôt afin de ne pas répéter les erreurs du passé.

Le net recul des prix des matières premières et des hydrocarbures peut les aider à diminuer leurs frais, de même que des gains de productivité par l'innovation, des baisses d'impôts et la contraction des dépenses administratives. « Nous devons nous préparer à des temps difficiles », a toutefois averti le patron des finances de Sony. Et le même de préciser que le groupe envisage un « plan d'action » pour « réduire les coûts », en revoyant par exemple les projets d'investissement. Le but en sera de restaurer au moins partiellement des marges qui ont fondu à cause d'événements extérieurs soudains, imprévus qui ont ruiné en un rien de temps les efforts entrepris depuis des années au prix d'une restructuration dans la douleur. « Il n'est pas encore possible de préciser la nature et l'ampleur des décisions que nous allons prendre, mais devons mettre en oeuvre des mesures concrètes », a indiqué M. Oneda.

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Si le pessimisme de Sony a réellement fichu la trouille aux boursicoteurs, à vrai dire, ce mastodonte n'est pas le premier à avoir tiré la sonnette d'alarme. Le groupe d'électronique, d'informatique et de systèmes de télécommunications NEC l'avait devancé en indiquant qu'il n'attendait plus cette année qu'un profit net de 15 milliards de yens (100 millions d'euros) alors qu'il tablait auparavant sur un bénéfice net de 35 milliards. NEC pointe du doigt une contraction des commandes d'équipements de la part des opérateurs de télécommunications japonais, ainsi que des conditions de marché difficiles dans le domaine des appareils grand public (PC et téléphones portables notamment) et des composants électroniques. NEC, qui espérait un chiffre d'affaires annuel de 4.800 milliards de yens, ne prévoit plus désormais que 4.600 milliards, soit 4,2% de moins que l'an passé.

Autre récente alerte, celle de Sharp, un modèle de réussite pour ses compatriotes (il est numéro un local des TV LCD et des téléphones cellulaires). Ce pionnier de la technologie d'affichage à cristaux liquides a lui aussi été forcé de revoir ses évaluations pour l'exercice en cours, pénalisé par une chute « considérable » des achats de mobiles au Japon et une détérioration de la rentabilité de ses téléviseurs LCD en proie à une concurrence féroce. Pour les douze mois d'avril 2008 à mars 2009, Sharp n'escompte plus qu'un bénéfice net de 60 milliards de yens, soit une chute de 44,2% par rapport à l'année passée, contre une prévision initiale de 105 milliards.

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La déferlante de mauvaises nouvelles n'est sans doute pas terminée, car ces sociétés japonaises ont effectué leurs nouveaux calculs avant que le yen ne s'envole, ce qui les rend déjà obsolètes. Autrement dit, la probabilité que les choses s'aggravent et que les investisseurs délaissent encore plus ces firmes manufacturières nippones de hautes technologies (de même que les constructeurs d'automobiles) est hélas extrêmement élevée. Et ce, non pas parce que leurs dirigeants ont péché (contrairement aux banquiers), ni même parce que leurs produits ne sont pas conformes aux attentes des clients (tant s'en faut), mais parce que la quête par les agioteurs du gain immédiat rend les actionnaires oublieux de la réelle valeur humaine, sociale, technique et industrielle de ces entreprises fondées par des capitaines d'industrie philanthropes.

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Japon: victime en bout de chaîne de la crise américaine

... et dire qu'il sortait tout juste la tête de l'eau

Publié par K. Poupée le Lundi 13 Octobre 2008, 14:16 dans la rubrique économie


Le Japon, qui venait tout juste de se remettre des conséquences de ses propres égarements (bulle financière et immobilière des années 1980),  est victime par ricochet de la crise financière partie des Etats-Unis mi-2007 et dont l'ampleur ne cesse de se révéler plus effrayante que les spécialistes l'avaient imaginé (sauf quelques économistes qualifiés de Cassandre déclinologues il y a un an).


Victime par ricochet le Japon, car, comme tous les pays, il subit les craintes des investisseurs qui fuient la Bourse et font chuter les cours des actions, alors que les banques ne se font plus confiance entre elles et ne s'accordent plus de crédits. L'indice Nilkkei de la Bourse de Tokyo,  qui flirtait il y a plus d'un an avec les 18.000 points, est dégringolé ces derniers jours autour de 9.000 points. La place tokyoïte a sévèrement chuté à cause d'une contagion des inquiétudes sur les perspectives de croissance, bien que les conditions d'octroi de prêts aient été moins durcies au Japon que dans les autres pays (les banques japonaises étant jugées moins exposées aux risques des prêts hypothécaires américains "subprime").  Dans quelle mesure les décisions prises par les grands argentiers du monde au cours du week-end des 11 et 12 octobre vont-elles durablement porter leurs fruits? Quel niveau retrouvera le Nikkei? Bien malin qui, par les temps qui courent, prétendrait répondre.


 
Victime le Japon, car la demande étrangère, moteur essentiel de la croissance des dernières années est en panne, et que les exportations de véhicules, de machines industrielles et de matériels électroniques divers marquent le pas.

Victime car le yen a tendance à remonter face à l'euro et au dollar, ce qui amoindrit les bénéfices escomptés des ventes hors du Japon de même que la compétitivité des firmes japonaises sur les marchés extérieurs.  Les prévisions de résultats financiers, calées sur un cours du yen inférieur à ce qu'il est aujourd'hui face au dollar et à l'euro, vont probablement devoir être revues à la baisse. La vague redoutée d'avertissements sur résultats a déjà commencé (Sharp a déjà prévenu ses actionnaires).

Victime car les cours élevés des matières premières et des hydrocarbures touchent de plein fouet les sociétés du pays du Soleil-Levant, lequel ne dispose pour ainsi dire d'aucune ressource naturelle. Les gros s'en tirent (ils vont quand même devoir revoir à la baisse leurs objectifs initiaux) mais les PME souffrent, surtout celles des secteurs d'immobilier (agences de vente et location, promoteurs fragiles). Les faillites se multiplient, obligeant l'Etat à élargir sa garantie pour que les banques continuent de leur accorder des financements.

Victime enfin car les consommateurs nippons, un brin anxieux, contrôlent davantage leurs dépenses, n'escomptant guère d'augmentation de salaire puisque les entrepreneurs privilégient les réductions de coûts de production et les investissements en machines et en R&D. Il serait toutefois faux de dire que les Japonais cessent de dilapider du fric dans les boutiques et restaurants (il suffit de fréquenter les quartiers commerçants de Tokyo pour s'en rendre compte).

Bilan, le Fonds Monétaire International n'envisage plus qu'une croissance du produit intérieur brut (PIB) japonais de 0,7% en 2008 alors qu'il pronostiquait une augmentation de 1,5% sur un an auparavant. Il estime à présent que le PIB ne croîtra ensuite que de 0,5% en 2009 sur un an, contre une prévision antérieure de 1,5%.


Lorsque la crise des "subprime", couplée à la hausse des cours du pétrole et des aliments, a commencé à se répercuter sur les commandes de produits nippons en provenance des Etats-Unis, le Japon a pu compenser avec l'émergence d'une nouvelle clientèle dans les pays tels que la Chine, la Russie, l'Inde ou le Brésil. Aujourd'hui, le différentiel à combler est devenu trop important. "L'économie japonaise montrait initialement plus de résilience à la crise que les pays occidentaux,  mais elle a récemment été affectée par un ralentissement des exportations et par l'impact d'une détérioration du commerce extérieur sur la demande intérieure", souligne le FMI dans un récent rapport.


Après un premier trimestre positif, le PIB japonais s'est contracté de 0,7% au deuxième, "un repli dû à la baisse des investissements et de la consommation privée alors que l'apport des exportations dans la croissance est descendu à zéro", note l'organisation. "L'affaiblissement des commandes en provenance des Etats-Unis et de l'Europe de l'Ouest, l'augmentation des coûts d'approvisionnement (énergie, matières premières) et la diminution des prévisions de profits pèsent sur le moral des entrepreneurs et affecte les investissements", tandis que la demande émanant des pays émergents ou les niveaux élevés des revenus issus d'implantations à l'étranger ne comblent pas le manque à gagner, analyse le FMI rejoint sur ce point par de nombreux experts.


 

Le découplage entre les économies américaine et japonaise ne peut fonctionner pleinement dans le marasme actuel, car une partie des exportations nippones (les composants et autres pièces) sont destinées à leurs usines d'assemblage en Asie ou en Europe de l'Est où sont fabriqués des produits finis pour les Etats-Unis et l'Europe. Or, la demande de produits déclinant dans ces régions, les besoins de composants suivent la même évolution négative. 

Banques peu affectées par les "subprime" à la chasse aux bonnes affaires

Paradoxalement, les groupes bancaires nippons se rangent du bon côté, et "profitent" de la crise puisqu'ils s'emparent de tout ou partie de banques occidentales aux abois, ou reprenent une partie de leurs activités, étendant ainsi leur zone de chalandise à bon prix. Cette volonté d'expansion internationale n'est pas née de l'opportunité offerte par les banqueroutes hors du Japon, mais était déjà présente dans la stratégie des méga-banques nippones qui savent que leur avenir ne peut reposer sur la seule clientèle japonaise qui va se réduire du fait d'un déclin de la population liée au et à l'absence de véritable politique nataliste.


 

Que peut faire le Japon pour renforcer sa place en Asie et partant dans le reste du monde?

Son système financier étant moins exposé que celui des pays occidentaux, le Japon dispose d'un meilleur socle. Heureusement car la Banque du Japon () n'a pour sa part guère de marge de manoeuvre, hormis celles consitant à inonder le marché interbancaire de liquidités. Certes, elle ne craint pas un emballement prix/salaire, l'inflation, hors aliments et carburants, étant toujours proche de zéro. Mais le taux directeur de la est déjà si bas (0,5% depuis février 2007 après deux relèvements successifs) que le baisser dans des proportions significatives est impossible. C'est pourquoi elle ne s'est pas associée à l'action concertée des banques centrales pour réduire les taux le 8 octobre.Toutefois, une dégradation plus importante que prévu de la conjoncture économique pourrait justifier une réduction du taux d'intérêt directeur pour le faire revenir à zéro, niveau auquel il a été durant plusieurs années jusqu'à juillet 2006 pour combattre la dans laquelle fut englué le Japon durant près de huit ans.



L'Etat de son côté a beau affirmer, par la voix du nouveau Premier ministre Taro Aso, qu'il viendra au secours des entrepreneurs et consommateurs par le biais de mesures de relance renforcées (un premier plan d'une valeur de 73 milliards d'euros - dont une extension de garantie bancaire - a été décidé fin août), ses capacités sont elles aussi limitées. Le Japon  souffre en effet d'un endettement public colossal (environ 180% du PIB en 2007) et d'un lourd déficit budgétaire annuel, deux éléments qui empêchent de puiser énormément dans les caisses, sauf à mettre en oeuvre des réformes fiscales impopulaires telle qu'une hausse importante de la taxe sur la consommation (équivalent de la TVA) qui n'est que de 5% actuellement. Il faudrait pour péréniser les systèmes de retraite et de couverture sociale au moins la doubler. Les organisations patronales plaident en ce sens mais exigent en échange une baisse des impôts sur les sociétés pour assurer une meilleure rémunération des salariés.

Le Japon peut cependant espérer que la crise affecte peu (en termes de croissance et de durée) les économies émergentes et qu'elles lui fournissent dès lors une clientèle grossissante pour ses produits généralement bien perçus car fignolés, fiables et auréolés de marques qui apparaissent comme des symboles de réussite aux yeux des nouveaux riches asiatiques, brésiliens ou russes. La construction dans ces pays de nouvelles infrastructures (immeubles, réseaux routiers, moyens de télécommunications, centrales électriques, etc.) peut aussi grandement profiter aux sociétés japonaises.



A moyen et long terme, le Japon mise d'abord et surtout sur sa forte structure industrielle et ses technologies de pointe pour profiter de tendances universelles, comme la nécessité de réduire les émissions de gaz à effet de serre (automobiles hybrides, batteries lithium-ion, nouvelles énergies renouvelables, et systèmes avancés de réduction de la consommation électrique intégrés dans un nombre croissant de produits - électroniques, électroménagers, machines-outils, infrastructures diverses, etc.).
Les entreprises nippones continuent d'investir massivement en R&D, craignant de voir leurs rivales chinoises les dépasser. Cette continuité leur a déjà permis de sortir de la soi-disant "décennie perdue" (dix années de crise après l'éclatement de la bulle immobilière et financière au début des années 90) en ayant en main des technologies porteuses d'avenir (écrans plats, énergies nouvelles, nouveaux matériaux, automobiles propres, robots industriels ultra performants, etc.)
En outre, les sociétés japonaises sont aujourd'hui assainies, ayant éliminé leurs excès de production, de main-d'oeuvre et d'endettement qui étaient patents au moment de la bulle.



Pour plus de détails sur l'évolution de l'économie japonaise au cours des 63 dernières années:
lisez : Les Japonais, du même auteur, publié aux Editions Tallandier.

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