Au pays des "jishin"...
... les télécoms sauvent
Balayé le week-end du 14 juillet 2007 par un typhon assassin et secoué par un violent séisme meurtrier, l'archipel japonais vient une fois encore de mesurer à quel point il est une terre de calamités. Loin de décourager les autochtones, la fréquence des désastres naturels les poussent au contraire à créer moult technologies pour prévenir et gérer les catastrophes, même s'ils se savent vulnérables et, comme tous les humains, faillibles.
Dans ce registre, les télécommunications mobiles sont considérées par l'Etat, les entreprises et les citoyens comme un précieux auxiliaire de secours. L'édition 2007 du salon Wireless Japon qui se tenait cette semaine à Tokyo en apportait d'ailleurs une nouvelle illustration.
Lors de cette manifestation, un brin ennuyeuse pour les non-initiés du fait de son contenu de plus en plus technique et de moins en moins grand public, on pouvait découvrir des services et équipements potentiellement utiles aux pires moments, et d'autres plus divertissants réservés aux jours meilleurs.
Le premier opérateur de télécommunications mobiles japonais, NTT DoCoMo, y présentait entre autres un casque de protection équipé d'un module de communication sur réseau de troisième génération (3G), d'un récepteur de localisation par satellite GPS, de plusieurs capteurs de mesures, d'une lampe, d'un micro, d'un panneau solaire d'alimentation et d'une caméra frontale. Cet équipement, porté par un secouriste, lui permet d'adresser automatiquement en temps réel les images de la situation vers un centre de gestion, tout en les commentant et en restant totalement libre de ses mouvements, selon l'entreprise spécialisée Tanizawa, co-développeur du casque. Il est également possible d'envoyer, en parallèle de la transmission en direct, des e-mails accompagnés de séquences vidéo à plusieurs autres destinataires (autorités locales, cellule de crise...). NTT DoCoMo exposait également un vidéophone muni d'un emplacement pour carte 3G.
Son rival, KDDI, mettait quant à lui en avant sur son stand ses différents services de radioguidage sonore et cartographique par GPS sur téléphone mobile, dont un est spécialement conçu pour les situations de désastre. Il permet de rejoindre un lieu en empruntant le chemin le plus sûr, grâce à la localisation en temps réel. Le système fonctionne même si la liaison avec le réseau cellulaire est interrompue car le repérage ne s'effectue dans ce cas que sur la base du signal reçu par satellite GPS, alors que pour les autres services de radioguidage sur mobile, le positionnement des antennes relais est également employé pour des questions techniques (rapidité, disponibilité).
A la demande des services d'urgence, tous les téléphones portables vendus au Japon depuis le 1er avril 2007 sont obligatoirement dotés d'un récepteur GPS afin de localiser la provenance d'un appel même si la personne en détresse ignore où elle se trouve précisément. Les rues des villes japonaises n'ont pas de nom. Environ un tiers des quelque 100 millions de téléphones cellulaires en service au Japon sont déjà pourvus d'un module GPS et la proportion va très vite grimper compte-tenu de la nouvelle législation et de la vitesse de renouvellement des appareils au pays du Soleil-Levant.
Tous les opérateurs mobiles ouvrent par ailleurs un "tableau d'informations", accessible en deux clics, après chaque typhon ou tremblement terre dévastateur. Il permet à chacun de poster rapidement un message court de 100 caractères maximum (type "tout va bien") depuis son mobile à l'attention de proches. Ces derniers peuvent en prendre connaissance depuis n'importe quel mobile ou PC. Il leur suffit pour cela de se connecter au tableau de bord et de lancer une recherche par le numéro de téléphone des personnes dont ils souhaitent avoir des nouvelles. Ce dispositif permet de limiter le trafic sur le réseau. Il est géré indépendamment des autres communications pour rester opérationnel à tout moment. Un service similaire existe en mode vocal accessible depuis n'importe quel téléphone fixe ou mobile en composant le "171".
La télévision numérique terrestre (TNT) mobile était aussi l'une des applications les plus en vue au Wireless Japan. Lancée en avril 2006 au Japon, elle constitue potentiellement un outil bienvenu après une catastrophe, sachant que la chaîne généraliste publique, la NHK, qui a largement participé au développement de ce mode de diffusion hertzien, annonce les séismes dans la minute suivant leur survenue. Réquisitionnée, elle interrompt tous ses programmes pour consacrer durant des heures l'intégralité de son antenne au suivi de l'événement lorsqu'il s'agit un puissant tremblement de terre. Les futurs terminaux/TV mobiles devraient en outre être équipés d'une fonction d'allumage automatique lorsque la NHK fait état d'un séisme à proximité du lieu où se trouve l'utilisateur, à l'instar de certains postes de télévision et de radio.
Le prototype de téléphone à batterie à combustible à utilisation directe du méthanol (DMFC), présenté par Toshiba, et les chargeurs du même type, pourraient aussi contribuer à augmenter le rôle essentiel des mobiles dans les situations d'urgence. Les coupures de courant, fréquentes après des secousses telluriques, ne seraient en effet plus un problème pour les téléphones puisque ce genre de batterie se recharge comme un stylo à plume: avec une nouvelle cartouche de liquide (en l'occurence du méthanol). Pas plus épais que de nombreux modèles actuellement disponibles sur le marché (1,8 centimètre), ce genre de téléphone, co-développé avec KDDI, devrait sortir dans les commerces nippons en 2008. Des discussions sont en cours avec des acteurs du secteur européens, nous a indiqué un ingénieur de Toshiba, sans plus de précisions. Dans la même veine, signalons l'existence d'un objet qu'il serait aujourd'hui inconvenant de baptiser "gadget japonais", même s'il en a un peu l'allure. Il s'agit d'un chargeur universel de téléphone portable à manivelle bien utile en cas de catastrophe, comme peuvent en témoigner les milliers de sinistrés privés d'électricité de Niigata, préfecture du centre du Japon touchée par le séisme du 16 juillet.
De son côté NEC a exposé un appareil de diagnostic d'installations industrielles diverses, muni d'un module d'alimentation solaire, pour surveiller à distance l'état de fonctionnement d'appareils et transmettre les données via un réseau cellulaire 3G à un centre de télémaintenance.
Pour conclure sur une note optimiste, sachez aussi que l'opérateur NTT DoCoMo a profité de ce salon pour détailler ses objectifs à long terme, lesquels s'appuient d'abord sur le lancement commercial en 2010 de la "Super 3G". Il vient d'ailleurs de lancer les tests avancés de cette technologie de transmission sans fil à très haut débit avec des prototypes de stations de base (BTS) et de récepteurs mobiles qui, pour le moment, ressemblent à des réfrigérateurs !
Son objectif est d'atteindre un débit descendant (du réseau vers le mobile) de 300 mégabits par seconde (Mbit/s), soit l'équivalent de trois fois la vitesse de transmission sur liaison fixe en fibre optique (technologie FTTH). Et ce grâce notamment à l'utilisation de plusieurs antennes par récepteur et émetteur (MIMO) et à des techniques de modulation de signaux améliorées.
Rappelons que NTT est le premier opérateur au monde à avoir ouvert un réseau cellulaire commercial analogique en 1979, puis numérique (2G, norme PDC) en 1992. Sa filiale NTT DoCoMo, créée à cette époque, a ensuite essuyé les plâtres de la 3G en lançant son offre FOMA (norme W-CDMA) en octobre 2001, laquelle a déjà séduit à ce jour (juillet 2007) plus de 70% de ses 53 millions d'abonnés japonais. DoCoMo vient de passer à la 3,5G (HSDPA) et, outre la "Super 3G", planche activement sur la 4G.
On arrête là pour cette fois, non sans dire toutefois un mot d'une autre originale trouvaille humaniste de DoCoMo, un petit stylo optique à relier à un terminal cellulaire qui permet à une personne présentant des déficiences physiques ou intellectuelles de pouvoir néanmoins échanger des e-mails via un mobile. Il lui suffit pour saisir un texte de pointer l'élément souhaité dans des petits catalogues de caractères et pictogrammes colorés.
Commentaires
Libertes individuelles contre secourisme
Evidemment, toutes ces mesures partent d'une bonne intention et sont tout a fait comprehensibles au Japon, ou les catastrophes naturelles sont si frequentes, mais quand je lis ce billet dans lequel sont mentionnes des systemes qui indiquent la position des personnes sans meme leur consentement, je ne peux m'empecher de penser aux abus que cela peut induire.
Y a-t-il un organisme independant qui surveille ce genre de choses au Japon ?
L'equivalent de la CNIL francaise, par exemple.
sseb22 - 23.07.07 à 14:23 - # - Répondre -
Lien croisé
Un Bayashi au Japon : "ter leur soutien morale. A la tele ils apparraissent toujours incroyablement paisibles, l'image me frappe a chaque fois. J'espere vraiment les voir un jour en vrai, ca doit etre quelque chose ... Surtout au millieu des maisons encore a moitie affaissees et des habitants aussi emus par la detresse dans laquelle ils se trouvent que la presence de l'Empereur ... A propos des seismes, un nouvel article de Karyn Poupee sur les nouvelles technologies pour faire face a ce genre de situation, a lire sans hesiter bien sur. Autre consequence du seisme, la mauvaise presse du nucleaire au Japon dont la cote de popularite doit a peu pres suivre celle de Abe. Malheureusement a court terme les Japonais n'ont p"
anonyme - 13.08.07 à 16:55 - # - Répondre -