En direct de Tokyo ...

par Karyn Nishimura-Poupée, correspondante AFP Japon, avec le mangaka japonais J.P.NISHI

"Faux vrais scoops" à la une...

...bis repetita, CQFD

Publié par K. Poupée le Samedi 16 Décembre 2006, 00:08 dans la rubrique Politique - Lu 6066 fois - Version imprimable



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Vous vouliez une preuve supplémentaire de l'incompréhensible fonctionnement de la presse japonaise? Eh bien en voici une touche fraîche. Elle date de ce vendredi 15 décembre 2006, c'est-à-dire moins d'une semaine après la mise en ligne sur ce blog d'un article dénonçant certaines pratiques ultra-fréquentes et très énervantes des médias et entreprises nippons.




A la une de l'édition du matin du vendredi 15 décembre du quotidien économique Nihon Keizai Shimbun (Nikkei), un titre: "Japan Tobacco (JT) a conclu un accord avec un groupe britannique du même secteur (Gallaher) pour le rachat de ce dernier".
Sous-titre: "montant de la transaction de 2.200 milliards de yens".


Pas de sources clairement mentionnées, mais un luxe de détails. Le Nikkei a même poussé la fierté et le bouchon jusqu'à indiquer que les deux sociétés allaient annoncer officiellement cet accord dans la journée de vendredi.


Réagissant dans la matinée à cet article, Japan Tobacco a publié un communiqué indiquant que rien n'était entériné même si effectivement des discussions étaient en cours. Il s'est refusé à avancer un montant.

Et quelques heures plus tard, en début d'après-midi, convocation d'urgence à une conférence de presse et nouveau communiqué... pour confirmer les faits ... avec cette fois le montant, exactement dans l'ordre de grandeur de l'estimation du Nikkei, soit 2.253 milliards de yens (environ 15,5 milliards d'euros au cours du jour).

Cette transaction amicale, si elle aboutit, représentera en valeur la plus importante offre publique d'achat (OPA) réalisée par une entreprise nippone tous secteurs confondus.

Avec la parution de l'article du Nikkei, le titre de JT à la Bourse de Tokyo a bondi, alors que le marché augmentait modestement.

A noter au passage que Japan Tobacco est détenu à 50% par l'Etat japonais...


On marche sur la tête, à moins qu'on baigne dans un océan malodorant de complicité. CQFD


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Commentaires

Le cas GDF-Suez en France...

J'ai lu avec un grand intérêt vos deux articles dénonçant les pratiques des kisha club au Japon. Je me demande juste si finalement, nous ne soulevons pas un rocher où non pas une anguille se trouve mais plusieurs et que ces pratiques ne seraient pas uniquement observées au Japon mais dans d'autres pays également ? Qu'en est-il vraiment des journaux français ? Prenons par exemple le cas GDF-Suez, du tac au tac, les journaux nationaux couvrent toujours le moindre fait ou geste de l'une ou de l'autre de ces deux compagnies... N'y a-t-il pas ce type de clubs en France également ? J'avoue ne pas du tout baigner dans ce milieu mais juste m'interroger sur le sujet...
Encore bravo pour ce blog !

Romain - 16.12.06 à 07:29 - # - Répondre -

Re: Le cas GDF-Suez en France...

Evidemment, il existe dans tous les pays des relations de proximité et des amitiés entre journalistes d'une part, et responsables politiques, magistrats ou dirigeants d'entreprises d'autre part. Mais le Japon est, avec la Coree du Sud qui a copié son modèle, le seul pays à avoir institutionnalisé la connivence au sein des "kisha clubs".
En outre, bien que vivant en exil au japon, je lis chaque jour Le Monde, et sauf tout le respect que je dois à ce journal, face aux quotidiens nippons, en nombre de scoops il est totalement aux orties... Mais comme je l'ai écrit, les scoops nippons n'en étant pas, Le Monde n'a aucune honte à avoir.

Amicalement

KP

kpoupee - 16.12.06 à 14:56 - # - Répondre -

Si on ajoute les "town-meeting" truqués de Koizumi, ou ce sont les conseillés qui posent les questions en se faisant passer pour des gens du coin, ca fait une democratie décidement bien étrange.
http://www.liberation.fr/actualite/monde/223915.FR.php

Loys - 18.12.06 à 20:31 - # - Répondre -

Accès aux clubs de presse locaux

Pensez-vous qu'un accès plus égalitaire aux clubs de presse locaux déboucherait sur une couverture médiatique du Japon à l'étranger plus importante, plus analytique et plus intelligente? Moi pas, même si l'égalité d'accès est souhaitable. J'étais journaliste ici une quinzaine d'années pour la technologie et les sciences avant Internet et le barrage des voies médiatiques officielles ne m'empêchaient pas de faire mon travail. Et je lisais aussi les Nikkei et consorts. Le problème était plus le désintérêt des médias hexagonaux. Quand je vois la couverture médiatique du Japon maintenant, je ne vois pas de progrès ni en volume, ni surtout en qualité d'analyse quand il y en a, sinon qu'au niveau du copier/coller des brèves anecdotiques et l'exacerbation des exclamatifs, l'usage compulsifs des tropismes manichéens généralisants dont vous faites vous-même un usage intensif, mais j'imagine que vous n'avez pas le choix et qu'il s'agit d'une stratégie de communication. Combien même les interventions de personalités au club de la presse étrangère donnent lieu à des papiers? Sans doute que ce n'est pas toujours très interessant ou trop local pour intéresser un rédacteur en chef à 10 000 km de là. Une tentative de sortir du ronron amnésique des médias étrangers sur le Japon en essayant d'appliquer une grille de lecture critique à l'actualité locale comme ce que fait TPR (http://www.transpacificradio.com/) me parait plus intéressante que le serpent de mer des kisha clubs. D'ailleurs, font-ils du journalisme ces gens là?

Lionel Dersot - 04.01.07 à 10:56 - # - Répondre -

Lien croisé

En direct de Tokyo : "“Faux vrais scoops” à la une… bis repetita, CQFD"

anonyme - 09.03.07 à 01:06 - # - Répondre -

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