L'automobile, moteur de l'industrie nippone...
... et locomotive des exportations du Japon
Après avoir abordé le délicat sujet de la volonté du Japon d'utiliser son rayonnement culturel pour combler en partie ses déficiences sur la scène politique internationale, nous allons nous intéresser en ce 15 août 2006 à un des moteurs de la puissance de l'économie japonaise: l'automobile.
L'auteur de ce blog, qui n'est pas du tout passionnée par les bagnoles, ne peut pas en effet pour autant, vivant au Japon, faire l'impasse sur ce secteur qui concentre quelque 4,9 millions de salariés (7,7% de la main d'oeuvre nippone), représente 7% de ses exportations et illustre à merveille l'inventivité, la témérité, la capacité de rebond et l'efficacité des entreprises japonaises.
Après sa reddition le 15 août 1945, le Japon se trouvait dans un état économique déplorable, la population ruinée. Pour les Tokyoïtes vivant dans des cabanes, la voiture particulière familiale représentait un rêve totalement utopique. Pas un constructeur nippon n'en produisait d'ailleurs, ayant survécu durant les années de guerre par la fabrication de camions et engins militaires.
Jusqu'à la fin des années 50, la voiture particulière, souvent "made in America" était un symbole de réussite réservé aux riches et puissants à la tête d'institutions ou d'entreprises. Elle valait plus d'un million de yens, soit des années de salaire moyen à l'époque.
Ce n'est qu'en 1958, qu'apparut la première voiture familiale abordable: une petite merveille d'ingéniosité conçue par une équipe de chercheurs acharnés de Fuji Heavy Industries sous la marque Subaru: la Subaru 360, ainsi nommée en raison de son moteur 360cc et de sa masse d'environ 360 kilogrammes.
L'histoire de la conception de ce véhicule est une formidable et émouvante aventure humaine qui en dit long sur la solidarité et le pragmatisme nippons: le but était de créer un véhicule peu cher, d'y loger une famille de quatre personnes et de réaliser le rêve de la plupart des petites gens, celui de pouvoir grimper dans "my car" (ma voiture), en anglais dans le texte.
Aujourd'hui, moins de 60 ans plus tard, quelque 79% des foyers nippons possèdent une automobile et plus d'un tiers en revendiquent même plusieurs.
Malgré cette démocratisation massive, la fière expression d'antan "my car" n'a pas disparu du vocabulaire, preuve que les Japonais continuent de vénérer l'objet, au point qu'il n'est pas rare de voir leurs propriétaires les briquer au plumeau dans les rues de Tokyo.
L'un des loisirs favoris des Nippons est en outre le "duraiba" (la conduite), le week-end, en famille, comme du temps où les nouveaux possesseurs d'une Subaru 360 s'engouffraient pas peu fiers dans "my car" devant les voisins pour aller pique-niquer à quelques kilomètres de chez eux.
En semaine, les Tokyoïtes préfèrent généralement les transports en commun (trains, métros) ultra-efficaces et archi-propres et dont ils sont tout aussi fiers pour effectuer les trajets domicile-travail.
Alors qu'au sortir de la guerre Toyota était au bord du dépôt de bilan, ne parvenait plus à payer les salaires de ses 6.000 employés de Nagoya (son fief au centre du Japon) et faisait face à des mouvements de grève, aujourd'hui le groupe est en passe de détrôner l'américain General Motors de la place de numéro un mondial en nombre de véhicules produits annuellement.
Et c'est Nissan, le deuxième constructeur nippon, qui pourrait sauver le même GM de la débandade.
Près de 11 millions de voitures ont été produites en 2005 au Japon, dont une majorité pour l'exportation, et autant ont été assemblées par des constructeurs nippons à l'étranger qui construisent partout des usines.
Les marques japonaises (Toyota, Nissan, Honda...) sont les seules à voir leurs parts de marché croître à l'étranger, dans un environnement morose pour leurs concurrents européens ou américains.
Un succès qu'elles doivent avant tout à leurs innovations incessantes, à la finition de leurs modèles, aux designs originaux de leurs gammes et au renouvellement rapide de leur collection, autant de primes atouts qui ont fait leur réputation mondiale.
Lorsqu'on se balade dans les rues de Tokyo, on ne peut qu'être impressionné par le nombre de belles bagnoles au kilomètre carré. De même que par le respect du code de la route par les automobilistes, tant vis-à-vis de leurs homologues que des piétons. On n'entend quasiment jamais résonner les klaxons dans la mégapole.
Il n'y a guère plus de morts aujourd'hui sur les routes du Japon que sur celles de France, alors que la population nippone est deux fois plus importante. On a déploré 6.871 décès dans des accidents routiers en 2005 sur l'Archipel, soit près de trois fois moins qu'en 1970.
Au Japon, la plupart des voitures, toujours propres et en bon état, sont en outre dotées des technologies les plus avancées, notamment pour renforcer la sécurité (caméras arrière et latérales, vision nocturne des piétons, radar de détection d'obstacle ou de sortie de ligne, système anti-somnolence, créneau assisté...).
Sur quelque 5 millions de nouvelles voitures vendues en gros chaque année sur l'Archipel, seules 260.000 sont importées (dont une partie sont de marque nippone mais fabriquées à l'étranger). La plupart des voitures de marque non japonaise sont des modèles haut de gamme siglés Mercedes, BMW, Jaguar ou Audi.
Renault vend nettement moins de 3.500 voitures au Japon par an, Citroën 2.500 et Peugeot 10.000.
C'est que les Japonais sont extrêmement exigeants sur l'équipement high-tech et l'intégration de ce dernier, critères de sélection sur lesquels les Européens (hormis peut-être les Allemands) sont à la traîne.
Les systèmes de radio-navigation GPS ultra-sophistiqués qui équipent en première monte la plupart des véhicules (y compris les petites voitures type March de Nissan) sont dans les trois quarts des cas compatibles avec la réception des signaux émis le long des routes par le système d'informations public routier VICS. Ainsi les conducteurs sont-ils renseignés en temps réel sur l'état du trafic, la probabilité de survenue de bouchons et la disponibilté des places dans les parkings.
Ces super-autoradios GPS, qui équipent environ un tiers des 57 millions de voitures de tourisme au Japon, sont de véritables concentrés de haute-technologie.
Ils permettent évidemment d'écouter la radio, de lire des CD, ou des MD, mais aussi de regarder des DVD, de capter la télévision hertzienne (analogique ou numérique), de télécharger des contenus (musiques, vidéos) sur le disque dur intégré grâce à une connexion à internet à haut débit cellulaire, de lire ses e-mails, ou de surveiller à distance sa maison (via une web camera).
Ils permettent aussi parfois d'accéder par simple pression sur un bouton inclus dans le tableau de bord à un service de "concierge" (sur abonnement payant). Des serviables opérateurs humains répondent 24 heures sur 24 à toutes les questions alambiquées que peuvent leur poser les conducteurs abonnés pour se rendre à une adresse, trouver un restaurant, acheter des fleurs, ou se ravitailler dans une station service.
Le confort de plus en plus élevé des voitures japonaises a toutefois un inconvénient pour les constructeurs: les consommateurs sont tellement contents de leur véhicule qu'ils ont tendance à le garder plus longtemps.
En outre, le vieillissement de la population contribue à la baisse du marché, qui va de plus en plus vers le luxe d'une part, ou vers les toute petites voitures d'autre part jugées plus pratiques et économiques.
Pour revenir dans la course, les constructeurs produisent donc de plus en plus de petits modèles (les fameuses mini-cars) souvent choisis comme deuxième voiture, et ciblent davantage la population féminine laquelle veut elle aussi de plus en plus s'offrir "my car".
Un tiers des voitures vendues en 2005 étaient destinées à des conductrices, et autant entraient dans la catégorie des mini-véhicules, selon l'Association des constructeurs japonais (JAMA).
Par ailleurs, la préoccupation écologique de plus en plus forte de la population nippone, des autorités, et des constructeurs pousse à toujours plus d'innovation.
D'où les avancées notables des Japonais dans le développement des piles à combustible, des technologies hybrides ou de l'usage de bio-carburants. Toyota a été le premier constructeur au monde à mettre sur le marché un modèle hybride (motorisation au carburant et à l'électricité) il y a près de 10 ans (Prius en 1997). Aucun concurrent européen n'en a fait autant à ce jour (mi-2006)
Tout ce petit monde de l'automobile nippon ayant de plus de la suite dans les idées, de nombreux conseils de bon sens sont donnés aux automobilistes pour limiter les rejets de gaz à effet de serre (protocole de Kyoto oblige).
Une loi impose en outre aux constructeurs la gestion du recyclage de 80% des constituants des véhicules, une proportion qui grimpera à 95% en 2015.
Pour limiter les coûts afférents, ils innovent pour réduire lesdits constituant et emploient de nouveaux matériaux (plastique végétal par exemple) pour faciliter le recyclage et réduire la pollution lors de la production, laquelle fait également l'objet d'une optimisation incessante.
La méthode dite du "kanban" de Toyota a de longue date fait ses preuves à l'échelle mondiale au point qu'elle a servi de source d'inspiration à nombre de cabinets de consultants et d'entreprises.
Lorsqu'on a la chance de pouvoir discuter avec les chercheurs japonais du secteur et de visiter leurs lieux de travail, on devine que la souce d'innovations automobiles "made in Japan" est loin d'être tarrie.
On arrête ici pour aujourd'hui mais compte tenu du poids de ce secteur au Japon et de la place de "my car" dans la vie des Nippons, on sera de fait conduits à en reparler.
Dernière chose: n'oubliez pas pour votre prochaine virée en bagnole de glisser les CD d'Hugues le Bars dans votre autoradio.
Bonne route. "ki wo tsukete ne"
Commentaires
Lien croisé
En direct de Tokyo : "L'automobile, moteur de l'économie japonaise...... Economie, publié le mardi 15 août" rel="nofollow"
anonyme - 21.08.06 à 06:22 - # - Répondre -
Etat des Lieux
Bonjour à tous,
Très bel état des lieux
Merci
Patrick - 28.01.11 à 00:01 - # - Répondre -