Japon: des puces pour pister les singes dans les champs...
...et suivre les clients dans les grands magasins
Comme on vous l'a dit à maintes reprises sur ce « blog podcast », le Japon est un pays où les bizarreries sont si fréquentes qu'un jour sans est un jour étrange. Ce mercredi 28 juin était donc une journée tout-à-fait normale puisqu'elle nous a réservé son lot de surprises.
Parmi celles-ci, l'une a particulièrement retenu notre attention de fouine technophile. Il s'agit de l'annonce faite par le géant des télécoms NTT du lancement national d'un nouveau service destiné aux agriculteurs : le suivi électronique des singes destructeurs.
Oui, vous avez bien entendu, et si voulez on peut même répéter : le suivi électronique des singes destructeurs. Car figurez-vous que ces peuplades animales, qui gravitent dans les campagnes nippones, et osent même parfois s’aventurer jusqu’au cœur des quartiers chauds de Tokyo, véridique, ont la fâcheuse tendance à se nourrir dans les champs et à ravager les plantations.
Hélas les propriétaires des lieux en sont souvent réduits à se lamenter devant les dégâts récurrents, à implorer les autorités locales de les débarrasser de ces espèces de vandales sauvages, et à réclamer à leur assureur de prendre en charges les préjudices occasionnés. Ras-le-bol.
Face à cette situation, NTT, à l’affût de toutes les occasions pour se faire remarquer et exposer son savoir-faire technologique, propose une solution originale: des mouchards sous la forme de puces d'identification radiofréquences, autrement appelées étiquettes RFID.
Il s'agit grosso modo d'équiper chaque singe d'un badge électronique porteur d’un identifiant unique pour pouvoir détecter la présence de l’animal dans un lieu de culture protégé, et alerter immédiatement le propriétaire par e-mail de sorte que ce dernier puisse rappliquer illico pour chasser l’intrus.
Des antennes-capteurs RFID dans les plantations permettent en effet de recevoir le signal émis par l'étiquette électronique portée par le singe, et de transmettre l’information par liaisons radiofréquences jusqu’à un serveur central.
Le système a au moins trois avantages majeurs par rapport à d’autres équipements du même acabit, selon NTT:
Primo, il peut être installé partout, y compris dans des zones difficiles d'accès.
Secondo, il ne requiert pas de licences d’usage du spectre fréquentiel.
Et tertio, il permet de dresser l’historique des pérégrinations des animaux pour constituer ainsi une base de données permettant d’analyser finement les habitudes de chaque specimen, de sorte que la prévention s'en trouve notablement facilitée.
NTT travaille désormais à adapter le système à d’autres espèces animales, car les singes ne sont hélas pas les seuls brigands à s’attaquer aux cultures.
Ce système de NTT n'est qu'un exemple, pour le moins iconoclaste, des nombreuses nouvelles utilisations des étiquettes électroniques RFID qui connaissent au Japon un engouement croissant.
Autre cas de figure du même tonneau: le suivi des clients dans les magasins. Il ne s'agit pas dans l’exemple qui va suivre de protéger les commerçants contre le vandalisme (les vols à l'étalage ne sont pas un sport collectif très pratiqué au Japon), mais de mieux servir le chaland.
Ainsi, le grand magasin Mitsukoshi du quartier huppé de Ginza au centre de Tokyo a-t-il lancé il y a quelques mois avec le groupe d’électronique Fujitsu une vaste expérimentation qui ferait hurler les défenseurs des libertés individuelles en France, mais qui dans le technophile Japon ne suscite qu'admiration.
Explications: des clients-cobayes volontaires, fidèles du très chic Mitsukoshi, sont équipés d'une étiquette identifiante électronique, du même genre que celle dont NTT affuble les singes.
Lorsqu'ils pénètrent dans dans l’enceinte de la boutique, ils sont automatiquement détectés par un ensemble de capteurs RFID judicieusement placés et reliés à une base de données. Cette dernière stocke l’identité, les coordonnées, et autres informations utiles sur lesdits clients. Parmi celles-ci, figure leur adresse e-mail mobile.
A peine entré dans la magasin, le client identifié reçoit un courriel de bienvenue automatiquement adressé sur son téléphone portable, ainsi que les offres promotionnelles auxquelles, en tant que privilégié, il a droit.
Simultanément, les vendeurs reçoivent sur un terminal portable un message les informant de l'arrivée dans les lieux de ce client pas comme les autres, pour se tenir prêts à bien l'accueillir et à le servir en priorité.
Comme pour les singes dans les champs, la déambulation des chalands étiquetés dans les rayons est stockée dans la base de données ainsi que les achats qu'ils ont effectués. Toutes ces précieuses informations peuvent ainsi être précisément analysées dans le louable objectif de mieux satisfaire lesdits fidèles consommateurs en optimisant et personnalisant davantage le service.
Cette première expérience du genre grandeur nature, qui comprends d'autres volets mettant également en oeuvre les puces RFID, ne sera pas la dernière. Et l’on peut parier qu’à l’issue des tests, après debriefing et autres expérimentations plus poussées à grande échelle, le système sera installé pour de vrai et lancé en fanfare. On donnerait également notre tête à couper, que les clients applaudiront des deux mains et qu’une flopée de nouveaux services de la même trempe suivront dans la foulée.
Quoi qu’il arrive on sera de toute façon conduits à vous reparler des usages des technologies RFID, ce sujet faisant l’objet d’au moins une annonce par semaine.