Les géants de l'électronique nippons ont eu raison d'investir en R&D...
...car ils sont aujourd'hui les grands gagnants du boom mondial de la high-tech
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Les mastodontes de l'électronique nippons, connus pour leur insatiable soif d'innovation, ont démarré l'exercice budgétaire 2006-2007 sur les chapeaux de roues.
C'est l'enseignement que l'on peut d'ores et déjà tirer de la première salve de résultats trimestriels révélés au cours de la semaine du 24 au 28 juillet 2006.
Sony, Matsushita, Canon, NEC, Ricoh, Nikon ou encore Sharp ont tous fait état de solides bénéfices pour le trimestre d'avril à juin, lesquels profits ont enchanté leurs actionnaires et en ont assurément attirés d'autres puisque le cours des actions de ces firmes multinationales ont grimpé dans la foulée.
Ces géants mondiaux profitent de la conjonction de deux facteurs: le boom du marché mondial des produits électroniques grand public d'une part, et redémarrage en trombe des investissements des entreprises japonaises.
Le symbole de l'électronique grand-public, Sony, que d'aucuns donnaient pour "has been" il n'y a pas si longtemps, et qui avait subi de plein fouet les années passées une concurrence exacerbée, a démontré qu'il avait encore des ressources pour profiter de l'engouement des consommateurs pour la high-tech.
Le pilier central de son business, l'électronique audiovisuelle, est en effet revenu dans le vert au premier trimestre. Et ce grâce à son secteur de prédilection; la télévision. Sa nouvelle gamme de téléviseurs, "Bravia", à écran plat à cristaux liquides (LCD) se taille en effet un joli succès dans le monde, au point que Sony a détrôné son compatriote Sharp de la première marche du podium à l'échelle mondiale.
Le créateur des tubes "trinitron" qui jouit encore d'une excellente image de marque a profité de l'effet "Coupe du monde de football" et ses marges se sont améliorées grâce à un meilleur approvisionnement en dalles LCD, lesquelles sont fabriquées en Corée du Sud par sa coentreprise S-LCD avec Samsung.
De surcroît, il a su mettre en avant ses spécificités et cultiver son image haut-de-gamme avec un design du plus bel effet. Bravo donc à l'ingénieur Ryoji Chubachi, spécialiste des écrans, qui dirige depuis un an l'électronique du groupe.
Il n'y a d'ailleurs pas que dans la télévision que Sony a fait preuve de son talent. Il peut se vanter aussi d'un beau palmarès avec ses camescopes haute-définition (en tête des ventes au Japon), avec la diversité de ses PC "Vaio" au look original et à la finition léchée, ou encore avec ses téléphones mobiles Sony-Ericsson salués pour leurs fonctionnalités multimédias avancées.
L'éternel rival de Sony, Matsushita (marque Panasonic), a lui aussi connu un excellent trimestre, avec un bénéfice d'exploitation en hausse de 41,5%.
Spécialiste des téléviseurs à écran plat plasma, le groupe d'Osaka (ouest) a profité de l'expansion de la demande mondiale de modèles très larges.
Les nouvelles capacités de production de Matsushita, au Japon notamment, et ses technologies savamment protégées lui permettent en effet de se différencier dans le haut de gamme, de doper ses marges tout en abaissant les prix. Recette idéale pour donner de l'appétit aux actionnaires et investir en recherche et développement, ce qui constitue la clef du succès sur le long terme.
Même chose pour le pionnier des écrans à cristaux liquides, Sharp, dont les téléviseurs LCD "Aquos" haute-définition restent une référence mondiale en dépit de l'offensive de Sony. Le même Sharp pourrait bien aussi surprendre son monde prochainement en faisant une percée plus forte sur le marché des téléphones portables, grâce à des produits qui font déjà mouche au Japon tant par leurs technicité à la pointe que par leurs fonctions multimédias et leur design.
Nikon et Canon, les champions mondiaux des appareils photos numériques à visée reflex et objectifs interchangeables ne sont pas en reste, qui ont tiré profit de ce marché de plus en plus lucratif et en forte croissante, lequel prend le relais de celui, moins rentable, des modèles d'appareils numériques compacts.
Ces deux as du reflex, qui ont se sont bâti depuis des lustres une réputation inébranlable dans le domaine des boîtiers photos et des optiques allant de pair, sont protégés des nuisances des fabricants asiatiques de produits à bas-coûts, grâce à des technologies uniques aussi difficiles à piller qu'à maîtriser.
Ils devront néanmoins affronter la concurrence nouvelle de Sony et Matsushita, qui, en s'emparant des labels de qualité Minolta pour le premier et de Leica pour le second, entendent bien exploiter aussi ce filon porteur.
A côté du dynamisme du marché de l'électronique grand public, qui entraîne dans son sillage celui des semi-conducteurs et des composants, souvent au bénéfice des mêmes acteurs, une autre tendance s'est dégagée au cours du trimestre écoulé: la reprise des investissements des entreprises nippones, laquelle a fortement dopé les gains des géants des systèmes industriels.
Mitsubishi Electric s'est ainsi vanté d'enviables performances dans le secteur des automations industrielles ou de l'électronique automobile.
Nikon a engrangé d'importants gains grâce aux instruments de précision qui constituent devant la photo sa première source de revenus et NEC a bénéficié des commandes d'équipements de réseaux de télécommunications et de télévision numériques terrestre de la part des opérateurs et diffuseurs japonais, entre autres.
Quant à Fujitsu, le spécialiste des systèmes informatiques, il a fait un carton partout dans le monde avec ses services de sous-traitance informatiques fort bien cotés.
Enfin des firmes plus petites comme Fuji Film ou Advantest, le numéro un nippon des outils de mesures pour la fabrication de semi-conducteurs, ont largement profité des fortes augmentations de production de composants pour appareils électroniques.
La flambée des commandes de matériels n'en est sans doute d'ailleurs qu'à son commencement, puisque pour l'année budgétaire en cours, les sociétés nipponnes prévoient en effet d'augmenter leurs investissements de 11,3% par rapport à 2005, et celles de la high-tech sont parmi les plus ambitieuses.
Bref, les entreprises japonaises du secteur des technologies ont prouvé au cours de ce trimestre écoulé qu'elles pouvaient, grâce à des produits haut-de-gamme, et à une stratégie clairement définie, ne pas sombrer sous le tsunami de camelote qui déferle sur le monde.
Démonstration réjouissante que l'innovation et la persévérance en matière de recherche et développement, y compris durant les années de crise, conjuguées à la qualité et à la puissance de marque, ça paye.
Certaines sociétés, comme Matsushita, que leur taille de mammouth auraient pu condamner, ont en outre su formidablement se restructurer pour continuer malgré leur gigantisme à courir plus vite que les autres.